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lundi 19 février 2024

Dragi Webdo n°430 : Gastro-entérite virale, TDAH, allergies alimentaires, asthme de l'enfant, dépression, gepotidacine/cystite, triptans, bithérapies aGLP1/iSGLT2, canagliflozine

Bonjour, ce billet s'annonce assez long avec plein d'articles intéressants. Abordons le sur diagnostic avec cette étude qui semble dire qu'actuellement il y aurait environ 50% de surdiagnostic de mélanomes (pour une prévalence au cours de la vie de 1 adulte sur 20) et de 85% pour les mélanomes in situ (prévalence 1 adulte/40). Alors, voici les actualités de la semaine !

 

1/ Pharmacovigilance

Une étude de cohorte retrouve un sur-risque d'AVC et d'infarctus chez les patients prenants des triptans (OR = 3,3), avec une prévalence d'environ 5 pour 100 000. Bien que les patients de la cohorte aient une 38 ans en moyenne, les cas concernaient notamment des patients de plus de 60 ans avec un risque cardiovasculaire élevé. Cependant difficile quand même de savoir si c'est le directement triptan qui donne l'AVC ou si c'est parce que le patient a des migraines persistantes, elles même FDR d'AVC, que le patient prend un triptan et qu'on retrouve l'association. Bref, prudence chez les patients migraineux à risque cardiovasculaire.

 

2/ Infectiologie

Le Lancet fait un point sur les gastro-entérites virales grâce à un article publié par des infectiologues. On trouve tout d'abord un algorithme pour établir s'il s'agit d'une GEA présumée virale ou non, avec indication d'exploration en cas de persistance pendant plus de 5 jours. Le rotavirus a tendance à faire 1-3j de fièvre + nausées suivi de 3-5 jours de diarrhées alors que l'adénovirus a des symptômes ORL/grippaux et dure 3 jours Le traitement principal est la réhydratation, bien évidemment, en notant qu'un retour à l'alimentation  4-6h après une réhydratation semble réduire la durée de la diarrhée. Une supplémentation en Zinc est également recommandée par l'OMS dans les pays à faible revenus (5mg/j à 20mg/j pendant 10-14j réduit la durée de l'épisode et le risque de récidive à 3 mois). L'utilisation d'anti-émétiques est controversée mais l'ondansétron a montré une efficacité et une bonne tolérance notamment après 4 ans. Concernant les antidiarrhéiques, le lopéramide (antagoniste opioide) est efficace sur la fréquence et durée des diarrhées, et possible à partir de 3 ans et le racecadotril n'a pas d'efficacité clairement démontrée et encore moins avant 5 ans. Dans les diarrhées à rotavirus, le Nitazoxanide pendant 3 jours réduit les symptômes de 1 jour.


Dans les infections urinaires non compliquées (cystites simples), un nouvel antibiotique est à l'essai: la gepotidacine (1500x2 pendant 5 jours), qui est évaluée vs nitofurantoïne (100x2 pendant 5 jours) dans 2 essais randomisés de non infériorité analysés conjointement dans un article du Lancet. La gepotidacine était non inférieure à la nitrofurantoïne dans 1 des essais (50.6% vs 47%, NNT=28) et supérieure dans l'autre essai (58.5% vs 43.6%, NNT=7). Ca pourrait donc être une molécule intéressante. On s'étonne quand même du faible taux de succès (environ 50%) avec les 2 traitements du fait d'un CJP nécessitant un succès clinique + biologique. Quand on regarde que le succès clinique, on est à 65%, ce qui est plus classique (proche de 70% habituellement avec la nitrofurantoïne). Enfin, on note un peu plus d'effets indésirables non sévères (surtout gastro-intestinaux) avec la gepotidacine (NNH= 8).


3/ Allergologie

Lancet encore, cette fois sur les allergies alimentaires anaphylactiques (IgE médiées) qui concernent environ 8 % des enfants et  11% des adultes et sont liées à 90% aux crustacés, produits laitiers, cacahuète et fruits à coque, poissons, œufs, blé, soja et sésame. L'alpha-gal syndrome, allergie à la viande suite à une piqure de tique est une cause croissance d'anaphylaxie. Les diagnostics sont posés suite à l'histoire racontée et à une preuve sérologique/prick test ou test de réintroduction. Le traitement repose sur l'éviction de l'aliment ! En cas de crise, une injection d'adrénaline est efficace dans 90% des cas, et une 2ème dose si échec permet d'atteindre  98% d'efficacité. Les antihistaminiques et corticoïdes réduisent les symptômes (et, la réduction des anaphylaxies biphasiques grâce aux corticoïdes n'est pas soutenue par les revues systématiques: OR 0.8 [0.74-1.02]) mais ne traitent pas l'anaphylaxie: ils ne doivent pas retarder l'injection! Enfin, la désensibilisation est une option a discuter compte tenu des effets indésirables et de la durée selon le risque d'exposition à l'allergène.


4/ Pédiatrie

Le BMJ fait un focus sur le TDAH. Les auteurs synthétisent le message principal en disant: qu'il faut moins se focaliser sur le diagnostic (on est passé de 2% à près de 4% des enfants, en partie par amélioration du diagnostic mais aussi par surdiagnostics également) et plus se focaliser sur des soins. En effet, il n'est pas démontré que poser le diagnostic ou le poser précocement améliore le devenir à long terme. En effet, les expériences positives sont très médiatisées mais les risques de ces interventions sont souvent mis de coté. Selon les auteurs, donner des soins centrés sur les symptômes des enfants, sans se focaliser sur un diagnostic permet d'accéder à des interventions qui leur seront bénéfiques sans subir les conséquences d'une étiquette diagnostique. Sur le plan médicamenteux, les dérivés des amphétamines seraient efficaces à court terme sur les symptômes (SMD: -0.82 à 12 semaines, soit cliniquement très significatif) dans une revue systématique de 2018, mais les effets à long terme sont peu étudiés d'après la Cochrane. Au total, leur niveau d'efficacité et l'absence de bonne étude sur les effets indésirables fait que les traitements médicamenteux sont recommandés avec un faible niveau de preuve. Concernant les interventions non pharmacologiques le niveau de preuve est encore plus faible.

L'asthme de l'enfant est un diagnostic complexe, notamment avant 5 ans, avec des critères diagnostiques variant selon les sociétés savantes. Le pronostic de l'asthme semble meilleur quand les premiers sibilants arrivent tôt (vers 2 ans), ce qui est associé à une résolution des symptômes en milieu d'enfance. Pour le diagnostic, après 5 ans, il faut une obstruction à la spirométrie  (VEMS/CV < 70% ou < 80% selon la reco)  et une réversibilité ou une variation du DEP de 12% pour certains et de 20% pour d'autres (ou une FeNO anormale, mais non reco d'après le GINA ou la HAS). Globalement, pour chaque élément diagnostic, la sensibilité est de 50% et la spécificité entre 70% et 90%, d'où l'importance d'en avoir plusieurs. L'histoire retrouve généralement des épisodes de wheezing, une toux à l'effort ou en début de nuit, des antécédents d'atopie ou d'asthme familiaux. Une toux "chronique isolée" est rarement compatible avec un asthme, notamment avant 24 mois. Les B2 de courte durée ne sont pas un test thérapeutique, le test thérapeutique, notamment avant 5 ans, consiste dans 2 mois de CSI. Concernant ceux ci, la béclométasone et le budésonide sont moins efficaces mais beaucoup plus étudiés sur le plan de la sécurité. Inversement, la fluticasone est 2 fois plus efficace mais pourrait augmenter le risque d’insuffisance surrénalienne. Enfin, les CSI au long cours réduiraient la taille adulte finale de 1cm. En cas de crise, 10 bouffées de salbutamol sont recommandées, aussi bien chez les enfants avec un "asthme allergique" que ceux ayant un "asthme viro-induit" (ie. la "bronchite asthmatiforme" qui est vraiment de l'asthme), les 2 phénotypes cohabitant souvent.

 

 5/ Psychiatrie

Rapidement sur la dépression résistante du  sujet âgé, les molécules les plus efficientes malgré l'essai de 2 IRS (notamment la sertraline qui est adaptée chez le sujet âgé) sont la mirtazapine (ou un irsna) et si besoin l'ajout d'un antipysychotique type aripiprazole 2 à 15mg/j (ou quétiapine). Les psychothérapies sont à encourager en parallèle

Le BMJ a étudié l'efficacité de l'activité physique dans la dépression. La marche et le jogging étaient les sports les plus efficaces, autant que les TCC, suivis de près par le yoga, le renforcement musculaire puis l'aérobic. Enfin, notons que tous ces exercices physiques et les TCC étaient cliniquement efficaces, alors que les IRS étaient supérieurs au placebo sans apparaître comme lui étant cliniquement supérieurs.


6/ Diabétologie

Dans cette étude observationnelle, de patients diabétiques ayant eu un infarctus de moins de 3 mois, les patients éligibles devaient être soit sous aGLP1 soit sous iSGLT2. Si leur HbA1x passait au dessus de 7%, la molécule "complémentaire" (aGLP1 ou iSGLT2) était ajoutée. La survenue du critère de jugement principal (récidive d'infarctus, insuff cardiaque par IDM ou mortalité cardiovasculaire) était de 26% à 2 ans sous iSGLT2, 30% sous aGLP1 et...  6% sous bithérapie ! Cela ferait un NNT de 10 patients par an à traiter pour éviter un évènement CV en prévention secondaire. Après traitement, il n'y avait pas de différence d'HbA1c, ni de LDL entre les groupes. Il serait bien qu'un bel essai randomisé évalue cette bithérapie (et qu'on en profite pour le faire sans mettre de metformine).

Parlons de la canagliflozine qui vient d'être mise à disposition en France dans cette analyse poolée de Canvas et Credence. Les patients avaient 60 ans en moyenne et avaient à 75% un antécédent cardiovasculaire. Le traitement réduisait les évènements cardiovasculaires majeurs avec un NNT de 73 patients en  2.5 ans (c'est la seule gliflozine efficace sur ce critère). Sur le plan rénal, il y avait également moins d'insuffisances rénales et moins de progressions d'albuminurie avec des NNT entre 8 et 27 selon l'ancienneté du diabète, mais ça c'est commun à toutes les gliflozines. La mortalité cardiovasculaire et globale n'est pas étudiée spécifiquement c'est dommage. Enfin, le fait qu'il y ait moins d'effets indésirable dans les groupes canagliflozine est suspect pour cette molécule aux EI de classe connus et le risque d'amputation soulevé par Canvas n'est pas réabordé.

Un nouveau "marqueur" de risque cardiovasculaire dans le diabète de type 2 pourrait être le nombre de monocytes. En effet, le nombre de monocytes circulant, reflet de l'inflammation, est associé au résultat du score calcique. Ainsi, les patients avec plus de 0.5 x10^9 monocytes auraient un risque cardiovasculaire multiplié par 5. D'un point de vu clinique, on n'en fait pas encore grand chose, les patients étant en majorité à haut risque sous statine déjà...


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A la semaine prochaine !

@Dr_Agibus (et @DrePétronille pour la relecture)


5 commentaires:

  1. Le problème avec le diagnostic de TDA comme d’autres troubles, c’est qu’il est impossible d’obtenir les aménagements qui correspondent précisément à une prise en charge des symptômes sans avoir un diagnostic officiel. Donc compliqué de trouver le bon équilibre entre accompagner chaque enfant selon ses besoins sans pousser au diagnostic, quand ces besoins sont niés en l’absence de diagnostic ! Et en sachant que déjà avec un diagnostic les besoins réels sont souvent minimisés

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    1. Bonjour, en effet, c''est compliqué et c'est le cas quel que soit le trouble du neurodéveloppement malheureusement... merci du retour

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  2. « le lopéramide (antagoniste opioide) est efficace sur la fréquence et durée des diarrhées, et possible à partir de 3 ans et le racecadotril n'a pas d'efficacité clairement démontrée et encore moins avant 5 ans  « 
    - on a une étude qui nous montrent cela?
    Dans le Vidal le racecadotril est indiqué aussi chez le moins de 5 ans.
    - surtout contre indication du loperamide en cas de diahree bactérienne..je suis pas fan
    Après je suis vraiment intéressé et ça me fera changer ma pratique!!
    Merci en tout cas pour ce grand travail chaque semaine !!

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    1. Merci du commentaire! Il y a en effet 1 ref citée qui est une revue systématique: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17388664/ persistance des diarrhées à 24h réduite de 34% (en risque relatif), nombre de selles réduit à 24h = moins 0.8 et durée de la diarrhée réduite de 0.8 jours ! Effets indésirables: chez 1% des patients (iléus, léthargie, voire décès). Les auteurs concluent à une balance BR négative avant 3 ans, et a évaluer après 3 ans. Bon, clairement hein, la balance BR est négative vu les bénéfices, sauf éventuellement risque de déshydratation important et pas de réhydratation possible...

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    2. Oui donc on reste sur une absence de comparaison direct après 3 ans ou entre racecadotril et loperamide on a pas forcément de différence sur le BR. avec toujours le risque du loperamide en cas de diahree bactérienne!
      Merci encore de votre réponse et des synthèses toujours excellente !!

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