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mercredi 15 février 2023

Les statines sont mes copines !

Bonjour, voilà longtemps qu'un billet de synthèse sur les dyslipidémies est sollicité. Une partie des éléments ont déjà été évoqués dans un article du n°177 de la revue Exercer.  Et voici la synthèse réalisée par @DocTotoscope, suivie de l'argumentaire !

 [Billet mis à jour le 16/12/2023]


Le contexte

La Société européenne de cardiologie (ESC) a publié des recommandations concernant la prévention cardiovasculaire en  2021 qui ont évolué vers une intensification des objectifs de LDL-cholestérol chez l’ensemble des patients[1] Les auteurs des recos recommandent donc des cibles de LDL :

-       En prévention primaire, le risque cardiovasculaire s’évalue par le SCORE2 ou SCORE2-OP (après 70ans), avec des seuils de risque variant selon l’âge (ça c’est bien). En cas de risque modéré avec des facteurs de risques non pris en compte, de risque élevé ou de risque très élevé, il est recommandé de cibler 1,0g/L de LDL. Mais, il est suggéré d’atteindre 0,7g/L en cas de haut risque et 0,55g/L en cas de très haut risque. (notons que c’est mieux que les recommandations de 2018 qui recommandaient une cible à 1,16g/L de LDL même en cas de risque faible !). Subtilité : si le LDL est > 1,9g/L, on peut suspecter une hypercholestérolémie familiale hétérozygote et il se discute de traiter car le SCORE ne s’applique pas (mais on peut utiliser le score de Dutch pour évaluer la probabilité d’hypercholestérolémie familiale)

-        En prévention secondaire, la cible de LDL-cholestérol recommandée est de 0,7g/L. Mais il est suggéré d'intensifier le traitement pour atteindre 0,55g/L chez tous ces patients.

-        Pour atteindre ces cibles, il est souvent nécessaire de recourir à des statines d’intensité élevée : atorvastatine 40-80, rosuvastatine 5-10, simvastatine 80 qui réduisent le LDL de plus de 50% (alors que la simvastatine 40 et pravastatine 40 ne le réduisent respectivement « que » de 40% et 30% environ)

 

La problématique

Premièrement, 80 % des auteurs des recommandations européennes en cardiologie ont un conflit d'intérêt financier avec l'industrie pharmaceutique qui peut fortement influencer leurs choix[2].

Deuxièmement, cela repose sur la théorie « lower is better » : plus le LDL est bas, plus on réduit le risque d’évènements cardiovasculaire. Et c’est en effet ce qui est retrouvé dans de nombreuses études observationnelles. Cependant, si cette théorie était vraie : on peut se poser la question de pourquoi les fibrates qui diminuent le LDL n’apportent pas de bénéfice cardiovasculaire clair (et ne sont même pas cité dans la pratique correspondant au risque cardiovasculaire dans la reco ESC), et pourquoi les statines d’intensité modérée réduisent la mortalité globale alors que les statines d’intensité forte n’ont jamais réussi à démontrer cela en essai randomisé bien qu’elles baissent davantage le LDL.

On va y revenir, mais on voit se dessiner que la théorie du LDL le plus bas possible ne semble pas tenir et que celle d’un effet propre à certaines molécules semble plus plausible.

 

En prévention primaire :

En prévention primaire, la pravastatine et la simvastatine sont les seuls traitements ayant démontré une diminution de la mortalité globale chez des patients à haut risque cardiovasculaires du fait de leur facteurs de risque cardiovasculaire[3,4]. L’atorvastatine a démontré une réduction des événements cardiovasculaires chez les patients diabétiques, mais pas de mortalité[5]. Dans chacune de ces études, le bénéfice était retrouvé pour une dose fixe de statine, indépendamment du taux de LDL initial et aucune étude n’ayant étudié une baisse intensive du LDL ou des cibles de LDL en prévention primaire, il ne semble pas nécessaire d’utiliser des cibles de LDL en prévention primaire[6].

Dans des études incluant des patients à risque modéré ont aussi montré des réductions d’événements cardiovasculaires. En effet les statines permettant une réduction du risque de mortalité quel que soit risque cardiovasculaire des patients. Mais réduire d’environ 20% (c’est la réduction relative du risque retrouvée de façon assez constante) un risque cardiovasculaire évalué à 2%, ça fait une réduction absolue du risque minime, amenant le patient à un risque de 1,6% : ce n’est donc pas cliniquement pertinent. Le seuil de prescription retrouvé d’après les études citée ci-dessus et pour lequel l’indication d’un traitement doit toujours s’effectuer dans une démarche de décision partagée avec le patient, c’est le risque cardiovasculaire élevé (donc soit calculé par le SCORE2, soit parce que le patient appartient à une catégorie à risque élevée comme le diabète) [6].

Le NNT chez les patients en prévention primaire après 5 ans de traitement est d’environ 334 pour la survenue d’évènements cardiovasculaires et 1000 pour la mortalité[7]. Ce bénéfice pourrait persister jusqu’à l’âge de  70-75 ans (selon les études) chez le patient  non diabétique et  85 ans chez le patient diabétique[8]. Mais cerise sur le gâteau, l’effet bénéfique sur la mortalité semble persister même après arrêt du traitement[9].

Certains parleront de l’étude JUPITER, montrant un bénéfice de la rosuvastatine en prévention primaire chez des patients à haut risque cardiovasculaire concernant les événements cardiovasculaires et même la mortalité globale[10]. Cependant, cette étude a été très fortement critiquée et ses résultats ne sont finalement pas interprétables car le protocole a été modifié en cours d’étude, elle a été interrompue précocement et les données statistiques ne sont pas cohérentes avec les autres études sur les statines.

 

Prévention secondaire

En prévention secondaire, la pravastatine, la simvastatine et la fluvastatine sont les seules statines ayant démontré une diminution de la morbi-mortalité versus placebo chez ces patients, comme le rappelle la HAS en 2021[11]. L’utilisation de cibles de LDL-cholestérol n’a été étudiée que chez les patients ayant un accident vasculaire cérébral et atteindre un LDL inférieur à 0,7g/L réduisait davantage la survenue des évènements cardiovasculaires par rapport à un seuil de 1g/L (NNT=42 patients par an). Chez les patients avec une coronaropathie, les cibles de LDL reposent essentiellement sur 3 publications retrouvant une association entre la baisse du LDL et une diminution de la mortalité globale[12–14]. Mais elles présentent des discordances quant à la comparaison entre une statine d’intensité élevée par rapport à une statine d’intensité modérée : le bénéfice sur la mortalité n’est pas toujours retrouvé (et quand il est retrouvé, le NNT serait de  250 patients par an) [12,13]. Une dernière méta-analyse de 2022 montre qu’il n’y a pas de relation claire entre baisse de LDL et mortalité ou survenue d’évènements cardiovasculaires (sauf peut-être pour les AVC ce qui pourrait être concordant avec l’étude citée ci-dessus)[15].


 Une stratégie combinant les 2 approches serait d’essayer de baisser davantage le LDL en utilisant des molécules ayant montré un bénéfice. Comme dit précédemment, en prévention secondaire, la simvastatine et la pravastatine sont les seules molécules ayant montré une réduction de mortalité versus placebo. Intensifier la simvastatine de 80mg baisse un peu le LDL sans apporter de bénéfice clinique[16].  L’ajout de l’ézetimibe à la simvastatine permet d’atteindre un LDL d’environ 0,53g/L et réduit la survenue d’évènements cardio-vasculaires ( NNT = 50 patients à 6 ans) mais pas la mortalité[17]. D'un autre côté, la place de l'atorvastatine pose question. En effet, un essai comparant atorvastatine 10 à atorvastatine 80 réduit les évènements cardiovasculaires en post-infarctus (NNT = 45 à 5 ans) [18]. De plus, un essai randomisé comparant l'atorvastatine 80 avec la pravastatine 40 en post-infarctus a montré que l'atorvastatine réduisait significativement les évènements cardiovasculaires avec un NNT de 26 patients à 2 ans, par rapport à la pravastatine qui réduisait déjà la mortalité (les LDL obtenus était respectivement de 0,62g/L et 0,95g/L) [19]. On regrettera l'absence de comparaison simvastatine 40 +/-ezetimibe versus atorvastatine 80. En post-AVC, un essai randomisé comparant atorvastatine 80mg versus placebo montrait un bénéfice sur les évènements cardiovasculaires (NNT 50 à 5 ans soit 250 patients par an)[20]. Cependant un ajustement sur le critère de jugement principal a été nécessaire pour que le seuil de significativité (p< 0,048 compte tenu des analyses intermédiaires) soit atteint. Cet ajustement n'est pas courant étant donné que s'il y a une différence dans les groupes, elle est liée au hasard et "intégrée" dans la valeur du p. Mais des publications récentes sont en faveur de ces ajustements s'ils sont bien prévus a priori [21]. Une revue systématique confirme quand même le bénéfice de l'atorvastatine 80, mais aussi à la simvastatine  40 avec une taille d'effet similaire mais la simvastatine semble être une molécule plus éprouvée en post-AVC [22]. L’obtention d’un LDL-cholestérol inférieur à 0,5g/L chez l’ensemble des patients (moyenne à 0,30g/L) a été possible dans les études évaluant l’évolocumab, un anti-PCSK 9 injectable. Il réduisait la survenue des évènements cardiovasculaires avec un NNT de 67 patients traités pendant 2 ans, sans réduire la mortalité [23]. Compte tenu de ce qui a été énoncé en problématique, Il est possible (probable ?) que ce bénéfice repose davantage sur un effet de classe thérapeutique que sur la baisse du LDL.

 

Conclusion

Le CNGE s’est positionné depuis  2014 sur l’évaluation du risque cardiovasculaire par un score pour discuter de l’initiation d’un traitement par statine en prévention primaire avec le patient, en utilisant une statine ayant une efficacité clinique démontrée et non un effet basé sur la baisse d’un critère de jugement intermédiaire [24]. Il est évident, mais il faut le redire, qu’il ne suffit pas de prescrire une statine : les règles hygiéno-diététiques et le régime méditerranéen sont le traitement de première intention et permettent de réduire les évènements cardiovasculaires avec un NNT de 250 patients par an en prévention primaire et de 100 en prévention secondaire[25,26].

En simple, il suffit de prescrire la molécule efficace au patient chez qui elle a démontré une efficacité et d’oublier les autres cas.

-        Prévention primaire :

o   simvastatine 40 ou pravastatine 40 (sans cible de LDL)

o   si diabète : simvastatine 40 ou atorvastatine 10 (qui permet d’atteindre une « cible » plus basse mais ne réduit pas la mortalité)

-        Prévention secondaire :

o   Simvastatine 40 (le plus éprouvé) ou atorvastatine 80 (pour un possible gain supplémentaire sur les évènements cardiovasculaires) et si non toléré: pravastatine 40 (et si la « cible » est atteinte avec ces molécules : s’arrêter là !)

o   Ajout éventuel d'ézétimibe, préférentiellement avec simvastatine (pour une cible < 0,7 en cas d’AVC et atorvastatine 80 non toléré, ou pour réduire modérément les évènements non fatals si infarctus du myocarde)

 

 Bonus : Chez qui prescrire une EAL ? (source : les recos correspondantes, y’a rien qui synthétise clairement tout)

-        Patients « en bonne santé » :

o   Vu les tableaux de SCORE-2 en France, en l'absence de FDR, le risque sera faible jusqu'à 50 ans quel que soit le cholestérol, donc : pas d'intérêt clinique de dépister avant 50 ans (selon la reco: évaluation du risque cardiovasculaire chez un homme de 40 ans et chez une femme de  50 ans sans facteurs de risque, tous les 5 ans jusqu’à 75 ans,  les Américains disent tous les 10 ans)

o   Evaluation du risque cardiovasculaire chez un patient de 40 ans avec facteurs de risque, tous les 5 ans jusqu’à  75 ans (en vrai, y'aura donc eu un bilan si HTA etc...)

o   Prescription initiale puis tous les 5 ans d’une contraception oestro-progestative

o  Suspicion d’hypercholestérolémie familiale hétérozygote (là, ça peut être dès l’adolescence, voire dès l'enfance)

 -        Dans le cadre des comorbidités :

o   Découverte d’HTA

o   Découverte de diabète

o   Survenue d’une maladie athéromateuse (AVC, IDM, AOMI…)

 

Références :

1          Visseren FLJ, Mach F, Smulders YM, et al. 2021 ESC Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice: Developed by the Task Force for cardiovascular disease prevention in clinical practice with representatives of the European Society of Cardiology and 12 medical societies With the special contribution of the European Association of Preventive Cardiology (EAPC). Eur Heart J 2021;42:3227–337. doi:10.1093/eurheartj/ehab484

2          Hinton J, Reeves T, Shah BN. Analysis of conflicts of interest among authors and researchers of European clinical guidelines in cardiovascular medicine. Clin Med 2021;21:e166–70. doi:10.7861/clinmed.2020-0552

3          Shepherd J, Cobbe SM, Ford I, et al. Prevention of coronary heart disease with pravastatin in men with hypercholesterolemia. West of Scotland Coronary Prevention Study Group. N Engl J Med 1995;333:1301–7. doi:10.1056/NEJM199511163332001

4          Heart Protection Study Collaborative Group. MRC/BHF Heart Protection Study of cholesterol lowering with simvastatin in 20,536 high-risk individuals: a randomised placebo-controlled trial. Lancet Lond Engl 2002;360:7–22. doi:10.1016/S0140-6736(02)09327-3

5          Colhoun HM, Betteridge DJ, Durrington PN, et al. Primary prevention of cardiovascular disease with atorvastatin in type 2 diabetes in the Collaborative Atorvastatin Diabetes Study (CARDS): multicentre randomised placebo-controlled trial. Lancet Lond Engl 2004;364:685–96. doi:10.1016/S0140-6736(04)16895-5

6          Boussageon R, Aubin-Auger I, Pouchain D. Cholestérol et prévention primaire :  une révolution fondée sur les faits. exercer 2015;:26–32.

7          Armitage J, Baigent C, Barnes E, et al. Efficacy and safety of statin therapy in older people: a meta-analysis of individual participant data from 28 randomised controlled trials. The Lancet 2019;393:407–15. doi:10.1016/S0140-6736(18)31942-1

8          Ramos R, Comas-Cufí M, Martí-Lluch R, et al. Statins for primary prevention of cardiovascular events and mortality in old and very old adults with and without type 2 diabetes: retrospective cohort study. BMJ 2018;362:k3359. doi:10.1136/bmj.k3359

9          Ford I, Murray H, McCowan C, et al. Long-Term Safety and Efficacy of Lowering Low-Density Lipoprotein Cholesterol With Statin Therapy: 20-Year Follow-Up of West of Scotland Coronary Prevention Study. Circulation 2016;133:1073–80. doi:10.1161/CIRCULATIONAHA.115.019014

10        Ridker PM, Danielson E, Fonseca FAH, et al. Rosuvastatin to prevent vascular events in men and women with elevated C-reactive protein. N Engl J Med 2008;359:2195–207. doi:10.1056/NEJMoa0807646

11        Haute Autorité de santé. Guide du parcours de soins – Syndrome coronarien chronique. 2021.https://www.has-sante.fr/jcms/p_3279083/fr/guide-du-parcours-de-soins-syndrome-coronarien-chronique (accessed 14 Sep 2021).

12        Koskinas KC, Siontis GCM, Piccolo R, et al. Effect of statins and non-statin LDL-lowering medications on cardiovascular outcomes in secondary prevention: a meta-analysis of randomized trials. Eur Heart J 2018;39:1172–80. doi:10.1093/eurheartj/ehx566

13        Rodriguez F, Maron DJ, Knowles JW, et al. Association Between Intensity of Statin Therapy and Mortality in Patients With Atherosclerotic Cardiovascular Disease. JAMA Cardiol 2017;2:47–54. doi:10.1001/jamacardio.2016.4052

14        Navarese EP, Robinson JG, Kowalewski M, et al. Association Between Baseline LDL-C Level and Total and Cardiovascular Mortality After LDL-C Lowering: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA 2018;319:1566–79. doi:10.1001/jama.2018.2525

15        Byrne P, Demasi M, Jones M, et al. Evaluating the Association Between Low-Density Lipoprotein Cholesterol Reduction and Relative and Absolute Effects of Statin Treatment: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Intern Med 2022;182:474–81. doi:10.1001/jamainternmed.2022.0134

16        Study of the Effectiveness of Additional Reductions in Cholesterol and Homocysteine (SEARCH) Collaborative Group. Intensive lowering of LDL cholesterol with 80 mg versus 20 mg simvastatin daily in 12 064 survivors of myocardial infarction: a double-blind randomised trial. The Lancet. 2010;376:1658–69.

17        Cannon CP, Blazing MA, Giugliano RP, et al. Ezetimibe Added to Statin Therapy after Acute Coronary Syndromes. N Engl J Med 2015;372:2387–97. doi:10.1056/NEJMoa1410489

18        LaRosa JC, Grundy SM, Waters DD, et al. Intensive Lipid Lowering with Atorvastatin in Patients with Stable Coronary Disease. N Engl J Med. 2005;352:1425–35.

19        Cannon CP, Braunwald E, McCabe CH, et al. Intensive versus Moderate Lipid Lowering with Statins after Acute Coronary Syndromes. N Engl J Med. 2004;350:1495–504.

 20        SPARCL investigators, High-Dose Atorvastatin after Stroke or Transient Ischemic Attack. N Engl J Med. 2006;355:549–59.

 21        Holmberg MJ, Andersen LW. Adjustment for Baseline Characteristics in Randomized Clinical Trials. JAMA. 2022;328:2155–6.

 22        Tramacere I, Boncoraglio GB, Banzi R, et al. Comparison of statins for secondary prevention in patients with ischemic stroke or transient ischemic attack: a systematic review and network meta-analysis. BMC Med. 2019;17:67.

 23        Sabatine MS, Giugliano RP, Keech AC, et al. Evolocumab and Clinical Outcomes in Patients with Cardiovascular Disease. N Engl J Med 2017;376:1713–22. doi:10.1056/NEJMoa1615664

24        Conseil scientifique du CNGE. Prise en charge du patient hypercholestérolémique en prévention primaire : vers de nouvelles recommandations ? 2014.https://www.cnge.fr/conseil_scientifique/productions_du_conseil_scientifique/prise_en_charge_du_patient_hypercholesterolemique_/ (accessed 14 Sep 2021).

25        Estruch R, Ros E, Salas-Salvadó J, et al. Primary Prevention of Cardiovascular Disease with a Mediterranean Diet Supplemented with Extra-Virgin Olive Oil or Nuts. N Engl J Med 2018;378:e34. doi:10.1056/NEJMoa1800389

26        Delgado-Lista J, Alcala-Diaz JF, Torres-Peña JD, et al. Long-term secondary prevention of cardiovascular disease with a Mediterranean diet and a low-fat diet (CORDIOPREV): a randomised controlled trial. Lancet Lond Engl 2022;399:1876–85. doi:10.1016/S0140-6736(22)00122-2

 

Version initiale du paragraphe sur la prévention secondaire:

En prévention secondaire, la pravastatine, la simvastatine et la fluvastatine sont les seules statines ayant démontré une diminution de la morbi-mortalité chez ces patients, comme le rappelle la HAS en 2021[11]. L’utilisation de cibles de LDL-cholestérol n’a été étudiée que chez les patients ayant un accident vasculaire cérébral et atteindre un LDL inférieur à 0,7g/L réduisait davantage la survenue des évènements cardiovasculaires par rapport à un seuil de 1g/L (NNT=42 patients par an). Chez les patients avec une coronaropathie, les cibles de LDL reposent essentiellement sur 3 publications retrouvant une association entre la baisse du LDL et une diminution de la mortalité globale[12–14]. Mais elles présentent des discordances quant à la comparaison entre une statine d’intensité élevée par rapport à une statine d’intensité modérée : le bénéfice sur la mortalité n’est pas toujours retrouvé (et quand il est retrouvé, le NNT serait de  250 patients par an) [12,13]. Une dernière méta-analyse de 2022 montre qu’il n’y a pas de relation claire entre baisse de LDL et mortalité ou survenue d’évènements cardiovasculaires (sauf peut-être pour les AVC ce qui pourrait être concordant avec l’étude citée ci-dessus)[15].


 Une stratégie combinant les 2 approches serait d’essayer de baisser davantage le LDL en utilisant des molécules ayant montré un bénéfice. Comme dit précédemment, en prévention secondaire, ni la rosuvastatine ni l’atorvastatine n’ont montré de bénéfice cardiovasculaire (et elles n’ont pas l’AMM alors qu’on les voit souvent prescrites !). L’ajout de l’ézetimibe à la simvastatine permet d’atteindre un LDL d’environ 0,53g/L et réduit la survenue d’évènements cardio-vasculaires ( NNT = 50 patients à 6 ans) mais pas la mortalité[16]. L’obtention d’un LDL-cholestérol inférieur à 0,5g/L chez l’ensemble des patients (moyenne à 0,30g/L) a été possible dans les études évaluant l’évolocumab, un anti-PCSK 9 injectable. Il réduisait la survenue des évènements cardiovasculaires avec un NST de 67 patients traités pendant 2 ans, sans réduire la mortalité[17]. Compte tenu de ce qui a été énoncé en problématique, Il est possible (probable ?) que ce bénéfice repose davantage sur un effet de classe thérapeutique que sur la baisse du LDL.

L'atorvastatine, a démontré dans 1 essai randomisé une bénéfice sur les évènements cardiovasculaire (NNT 50 à 5 ans soit 250 patients par an), à la dose de 80mg/j dans le post-AVC de cause non cardiologique (donc pas si FA). Cependant, pour une raison obscure, les auteurs ont décidé de faire un ajustement sur le critère de jugement principal de cet essai randomisé (ce qui n'est pas courant étant donné que s'il y a une différence dans les groupes, elle est liée au hasard et "intégrée" dans la valeur du p). Une des explications peut être une modification du protocole (non publié et non disponible) car le p du critère de jugement principal non ajusté n'était pas significatif: p =0,05 (c'est limite vous allez dire, peut être que c'est l'arrondi?) Mais compte tenu des 7 analyses intermédiaires, les auteurs avait noté que la significativité se ferait à un seuil de 0,048. Cette pirouette statistique peut semer le doute sur la validité de l'étude, car selon des standards statistiques strictes, cette étude ne serait donc pas significative sur son critère de jugement principal.  Une revue systématique trouve quand même un bénéfice à l'atorvastatine, mais aussi à la simvastatine avec une taille d'effet similaire. Ces 2 molécules seraient pourraient donc réduire les évènements post AVC, mais la simvastatine semble être une molécule plus éprouvée.

Algorithme initial:

Prévention primaire :

o   simvastatine ou pravastatine (sans cible de LDL)

o   si diabète : simvastatine ou atorvastatine (qui permet d’atteindre une « cible » plus basse mais ne réduit pas la mortalité)

-        Prévention secondaire :

o   Simvastatine ou pravastatine (si la « cible » est atteinte avec ces molécules : s’arrêter là !)

o   Ajout éventuel de l’ézétimibe (pour une cible < 0,7 en cas d’AVC ou pour réduire modérément les évènements non fatals si infarctus du myocarde)

o   Atorvastatine 80 éventuellement en post-AVC non cardiologique uniquement

 

9 commentaires:

  1. Super travail merci beaucoup !

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  2. Merci pour ce billet encore une fois très instructif et clair !

    Deux questions:
    1) il y a t-il une posologie clairement recommandée en prévention primaire ? (quelle poso pour intro simvastatine ou pravastatine ?) puisqu'après on ne monitore pas le LDL, il n'y a donc pas de raison de la modifier ensuite ?

    2) de même, en prévention secondaire ? plus compliqué car en théorie on a un seuil de LDL cible... mais il n'y aurait pas de raison non plus d'en augmenter la posologie... (le cardiologue le fera peut être si objectif non atteint)

    Merci !

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    1. Bonjour, les doses ayant démontré leur efficacité en prévention primaire c'est simva 20-40 et prava 40 il me semble. Pas de raison scientifiquement démontrée de la modifier ensuite. On peut faire un contrôle pour "vérifier l'observance", mais en dehors de ça...
      En prévention secondaire, c'est exactement ça. Génralement après 75-80 ans, une simvastatine 40 "contente" généralement les cardio. Avant, si on est "loin des cibles", anciciper en proposant l'ezetimibe pour éviter une statine sans efficacité clinique démontrée est une option possible.
      Merci du commentaire!

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  3. Merci pour ce billet très clair !
    Question : je suis interne de MG, actuellement en stage en gériatrie. On me répète depuis le début du stage, que l'arrêt des statines, lorsqu'elles sont prises depuis longtemps conduit à une augmentation du risque CV par fragilisation des plaques d'athérome et est donc à éviter. Je ne trouve aucune recommendation dans ce sens, ça vous parle ?

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    1. Bonjour, merci pour ce commentaire! En effet, comme pour l'aspirine ca a été évoqué car retrouvé devant une déprescription en prévention secondaire https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/01.cir.0000012530.68333.c8 et dans des études de cohorte en prévention primaire https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2780952 . Cependant, des études randomisées sur la dépresciption en prévention primaire semblent rassurantes https://bmcmedicine.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12916-017-0988-0 et pourraient améliorer la qualité de vie https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4618294/ . Enfin, et c'est probablement le plus important , le suivi de l'étude whoscops 20 ans après la fin: les patients ayant eu la statine pendant cet essai randomisé de 5 ans ont un risque cardiovasculaire toujours plus faible que ceux n'ayant pas eu la statine, laissant supposer d'un effet persistant même après l'arret. https://www.ahajournals.org/doi/pdf/10.1161/CIRCULATIONAHA.115.019014 Merci pour la question!

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  4. Bonjour,

    Merci pour cet article très clair et détaillé ; et tout ce travail de veille dans la littérature!

    Je suis médecin généraliste fraîchement diplômé. Quelque chose me chiffonne : vous écrivez "Vu les tableaux de SCORE-2 en France, en l'absence de FDR, le risque sera faible jusqu'à 50 ans quel que soit le cholestérol".

    Or, < 50 ans, le seuil au delà duquel un patient est considéré comme à risque élevé (couleur orangée) selon l'ESC est de 2,5%.. (le seuil n'est à 5% qu'à partir de 50 ans). Si on regarde le tableau de SCORE-2, il y a de nombreuses situations où les patients < 50 ans sont considérés à risque élevé, même sans FdR (c'est d'ailleurs la quasi totalité des situations chez les hommes de 45-50 ans, il y a à peine 3 cases vertes sur 32 cases au total..). Cela voudrait dire, si mon interprétation de "risque élevé" est juste et si on veut suivre la recommandation de traiter par statines tout patient à risque cardiovasculaire élevé, qu'il faudrait doser le cholestérol chez tout le monde dès 40 ans et prescrire des statines chez nombre d'entre eux...

    Pouvez-vous svp éclairer ma lanterne ?

    Merci déjà :-)

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    1. Bonjour, les recos ESC disent vert faible à modéré, orange élevé, rouge très élevé. Or les correspondances avec le score 1, avec les autres calculateurs de risques américains ou britanniques, ainsi que les résultats de l étude princeps qui a validé le.score 2 disent: vert: faible, orange: intermédiaire et rouge : élevé et très élevé. C'est aussi concordant avec la répartition du risque dans la population: si tout le monde est a haut risque ca n a pas de sens. D ailleurs, la.notion de risque intermédiaire ou élevé non plus. Ce sont des indicateurs pour le médecin mais idéalement, il faut utiliser les chiffres et faire une décision partagée. L idée globale reste de se dire que l'indication de statines est pour le risqué élevé au sens international = rouge. Un patient à risque intermédiaire avec dautres fdr importants non pris.en compte (1 antécédent familial précoce et un ldl >1.9 et...) devra probablement être traité. C'est une zone de vigilance. En espérant avoir précisé ces notions. On verra ce que les recos has de 2024 vont dire!

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