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Blog médical et geek de médecine générale :
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jeudi 18 décembre 2014

La cardio, j'y comprends rien!

   En médecine générale, le médecin est souvent confronté aux médicaments ayant des actions cardio-vasculaire, que ce soit en prévention primaire, secondaire ou dans les suites d’un traitement introduit par un spécialiste. Bêtabloquants, IEC, ARAII, inhibiteurs calcique, statines, quelles différences y a-t-il entres les molécules et comment s’y retrouver ? 
J'ai mis longtemps à essayer de faire la différence sans vraiment comprendre, à reproduire ce que les chefs prescrivaient à l’hôpital sans trop savoir pourquoi. Alors, j'ai décidé de me plonger un peu dans cette affaire!

     A) Bêtabloquants

Les bêtabloquants sont une classe fréquemment utilisée dans de nombreuses indications : anti arythmique, anti hypertenseurs, insuffisance cardiaque et coronaire… Il ne faut bien évidement pas se laisser dépasser par ces nombreux usages, les introduire de façon progressive et tenir compte des contre indications qui sont relativement fréquentes :
-          L’asthme ou la BPCO sévère
-          L’ischémie critique des membres inférieurs et AOMI stade supérieur a III
-          La bradycardie < 45/min et les BAV II ou III
-          Les états de décompensation cardiaque et coronaire. (1)

Je vais tenter de clarifier ce qui est des différents bétabloquants pour une application adaptée à la médecine générale: Cardiosélectifs ou non, avec une activité sympathomimétique intrinsèque, avec effet alphabloquant… et quand les prescrire.

Le propranolol est le bêtabloquant non cardiosélectif de référence pour traiter des symptômes périphériques : migraine, troubles liées à l’hyperthyroïdie, varices œsophagiennes, angoisses, tremblement essentiel post-infarctus du myocarde (IDM) et l’HTA. Il se prend en 1 à 2 fois par jour selon que l’on utilise une forme LP ou non. (1,2)
Le bisoprolol est le bêtabloquant particulièrement cardiosélectif, adapté dans l’indication d’insuffisance cardiaque. Son effet cardiosélectif étant assez prononcé, on peut l’utiliser en cas d’AOMI stade I et II  et de BPCO non sévère. Il se prend en 1 prise par jour (1,2)
L’acébutolol est un bêtabloquant légèrement cardiosélectif, avec une activité sympathomimétique intrinsèque. Il a une AMM dans l’HTA, les troubles du rythme supra-entriculaires et  le post-IDM et est à privilégier en cas de fréquence cardiaque basse (< 60/min) (1,2,3).
Les autres bêtabloquants ne sont pas du domaine du généraliste. Le carvédilol et le labétolol ont un effet alphabloquant et ont des indications respectives dans l’insuffisance cardiaque congestive en prescription par un cardiologue d’une part et  dans la pré-éclampsie et le phéochromocytome d’autre part. Enfin, le sotalol est utilisé par les cardiologues dans les troubles du rythmes (2)


Tableau récapitulatif des Bêtabloquants : (2)



En conclusion, le propranolol est le bêtabloquant de choix dans la plupart des indications. En cas d’insuffisance cardiaque, le bisoprolol est à privilégier, et en cas de fréquence cardiaque  inférieure à 60/min, l’acébutolol peut avoir un intérêt.

   B)  IEC  et ARA II

Les IEC sont des médicaments dont l’intérêt a été démontré dans l’HTA , l’insuffisance cardiaque, le post IDM et la prévention des néphropathies en cas de maladie rénale chronique. Il faut savoir qu’une élévation de la créatinine est normale dans les semaines suivant l’introduction de l’IEC et doit être acceptée jusqu'à +25% ; une sténose des artères rénales doit être recherchée en cas d’augmentation supérieure (4). Les principaux effets secondaires sont la toux apparaissant entre J7 et quelques mois, l’hyperkaliémie, l’insuffisance rénale et des effets tératogènes (2) .Les plus étudiés sont l’énalapril et le ramipril qui ont tous deux prouvé leur efficacité bien qu’aucune diminution significative de la mortalité ait été prouvé dans l’indication d’insuffisance rénale (5). Si je devais faire une différence entre les deux, je dirais que l’énelapril a été principalement étudié dans l’insuffisance cardiaque(6) et le ramipril dans le post-infarctus (7). Sur un faible niveau de preuve le ramipril, selon certaines études semble discrètement supérieur à l'énalapril aussi bien dans l'insuffisance cardiaque (7bis) que dans l'hypertension (7 ter, oui, j'avais oublié des références). Concernant les effets indésirables, le ramipril n'est pas le pire, malgré un peu plus d'hyperkaliémie que d'autres (7quater, idem....).
En cas de mauvaise tolérance des IEC (allergie et oedème de Quincke, toux) , il est judicieux d'utiliser un ARAII bien que les preuves d'efficacité soient moindre que celles des IEC. Le choix d'un ARAII en première intention ne se justifie pas selon l'HAS, en partie à cause du cout supérieur de ceux ci par rapport aux IEC (Ramipril5mg 37centimes/cp et losartan50mg 70centimes/cp). Trois sartans ont été principalement étudiés : le losartan, le valsartan et le candésartan d’après mes recherches dans la Revue Prescrire (5). Le losartan est un ARAII ancien bien connu dont les effets dans l’insuffisance cardiaque, l’HTA, le post IDM sont démontrés, et il dispose d’AMM dans l’atteinte rénale des diabétiques de types 2 (8). Le candésartan  a été particulièrement étudié dans l’insuffisance cardiaque ou il semble supérieur au losartan  (9). Enfin, le valsartan, bien qu’éclaboussé actuellement par le scandale de la falsification des études japonaises (KYOTO HEART STUDY), a prouvé comme le losartan une efficacité clinique dans l’HTA et diminue la morbidité dans l’insuffisance cardiaque comme le candésartan  (10). 

En pratique, le principal est de choisir une molécule et de bien la connaitre, les différences étant faibles. Personnellement, je trouve que le ramipril est un bon choix, quand on est averti qu'il est fréquent qu'il nécessite 2 prises par jour à cause d'une demi vie relativement courte. En cas d'intolérance, le valsartan semble avoir un niveau de preuve suffisant sur l'ensemble des indications, même s'il n'est pas le meilleur si l'on regarde chaque indication séparément.

   C)  Inhibiteurs calciques

Les inhibiteurs calcique peuvent être divisés en 3 catégories dont les propriétés permettent de choisir les anti hypertenseurs les plus appropriés pour les indications  suivantes : angor, HTA, troubles du rythme et post-IDM en cas de contre indication aux béta bloquants.
Le vérapamil est un inhibiteur calcique bradycardisant avec une forte action myocardique, pouvant être utilisé dans les troubles du rythme cardiaque et en post infarctus en cas de contre indication aux beta-bloquants (1,2)
Les dihydropyridines de 1ere génération (nicardipine) ont une forte action vasculaire et sont utile dans l’HTA (2). Celles de 2eme génération (amlodipine) ont un effet intermédiaire en ayant a la fois une action vasculaire et myocardique (2). L’amlodipine semble légèrement supérieur à la nicardipine et bénéficie d’une posologie en 1 prise par jour (11). Leurs contre indications sont rares et concernent principalement le verapamil et le diltiazem : les BAV 2 et 3 et l’insuffisance cardiaque (1,2).

   D)   Statines

Les statines sont un des traitements les plus incontournables en prévention cardio vasculaire primaire et secondaire. En prévention primaire, une indication à un traitement est à évaluer pour un LDL-cholestérol (LDLc) supérieur à l’objectif, calculé en fonction du nombre de facteur de risque cardio vasculaire (HTA, diabète, tabagisme, antécédent familiaux d’infarctus du myocarde, HDLc bas) (12).
L’intérêt des statines en prévention primaire a cependant été remis en cause par les récents écrits sur le sujet des Pr Even et Pr Debré déclarant que l’abaissement du LDLc n’avait pas de bénéfice en terme de morbi-mortalité, et qu’alors la balance bénéfice-risque des statines était défavorable compte tenu de leurs risque de rhabromyolyse, de troubles hépatiques, d’interaction médicamenteuse et peut être de diabète (13). Cependant, toutes les statines n’ont pas la même preuve d’efficacité et de tolérance. A l’heure de l’Evidence Based Medecine, il faut être capable en médecine générale, de ne pas suivre les préceptes des leaders d’opinion, et de se rechercher les données dans les bases de données de la littérature. Quatre statines se détachent dans les usages de la classe thérapeutique : la simvastatine, la pravastatine, l’atorvastatine et la rosuvastatine.
Sur le pourcentage espéré de baisse du LDLc, la simvastatine et l’atorvastatine  permettent des baisses de 40 à 50% selon les études et la posologie. La pravatatine permet des baisses moindres se situant entre 20et 30%. La plus « puissante » semble être la rosuvatatine qui permettrai des baisses de 40 à 60% selon les dosages (14).




L’efficacité en termes de mortalité n’est néanmoins pas forcément corrélée à cette baisse. En effet, en prévention primaire et secondaire, seuls la simvastatine (15) et la pravastatine (16) ont diminué la morbi-mortalité à un an.  En préventions primaire, l’atorvastatine n'a démontré qu’une diminution de la morbidité sans diminution de mortalité et la rosuvastatine est efficace mais est cependant associée à une augmentation du nombre de diabète supérieure par rapport aux autres statines (17). Les recommandations HAS rappellent d'ailleus que la rosuvastatine et l'atorvastatine n'ont pas démontré d'efficacité en prévention secondaire et n'ont d'ailleurs pas l'AMM!!! (18)

Sur le plan des interactions, l’atorvastatine et la simvastatine sont métabolisées par le cytochrome P450 est expose a des interactions fréquentes. La pravastatine et la rosuvastatine ne le sont pas et sont a privilégier en cas de risque important. Il faut noter que la pravastatine interagit fortement avec la ciclosporine. (1)
Les recommandations actuelles sur la prise en charge des dyslipidémies est en pleine évolution. Suite aux recommandations américaines favorisant la baisse du cholestérol en pourcentage et supprimant les objectifs de cholestérol (19), le Collège National des Généralistes Enseignants a poursuivi sur la lancée en recommandant de ne plus utiliser d'objectifs ni de contrôler les valeurs de LDL en dehors de s'assurer de l'observance, l'effet des statines étant, d'après les connaissances actuelles, propre au traitement et non à la valeur du LDL-cholestérol (20). Mais très récemment, l'étude IMPROVE-IT (sponsorisée par BigPharma) semble montrer qu'un LDL cholestérol inférieur à 0,5g/L par statine associé à l'ézétimibe diminue la mortalité par rapport à un LDL cholestérol inférieur à 0,7g/L sous statine seule (21). Le débat risque donc d'être relancé...
En pratique, les statines  que je privilégierai serai donc, aussi bien en prévention primaire, qu'en prévention secondaire, la simvastatine, ou la pravastatine en cas de risque d’interaction médicamenteuse. La surveillance s’effectue avec un bilan hépatique pouvant conduire à l’arrêt du traitement en cas de transaminases supérieures a 3N, et un dosage des CPK en cas de myalgies nécessitant l’arrêt du traitement en cas de seuil supérieur à 5N (22).
 
J'espère que vous y verrez un peu plus clair! Si des spécialistes de la question veulent partager leur avis et m'incendier (preuves à l'appui), c'est avec plaisir que je m'ouvrirais à leur arguments! Dans la mesure du possible, je vais essayer de faire de temps en temps quelques revues de la littérature, si ma veille bibliographique me laisse le temps de le faire. J'ai aussi quelques idées de billets un peu plus "spirituels" mais le temps me manque également... Bref, bonne soirée!

Et pour ceux qui voudraient relire ma précédente réflexion sur la vaccination anti-HPV, c'est par ici!

Bibliographie :

(1)    Vidal 2012
(2)    Cardiologie et maladies vasculaires, David ATTIAS, Bruno BESSE, Nicolas LELLOUCHE, ed. VERNAZOBRES - Médecine internat KB. 2013
(3)    « Quel bêtabloquant prescrire ? » La Revue prescrire n°153, 1995
(4)    Néphropathie : Association canadienne du diabète 2003
(5)    Rémunération sur résultats - Objectif cible : au moins 65 % de prescriptions d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) sur le total des prescriptions d'IEC et de sartans. La revue Prescrire n°356, 2013
(6)    Effects of enalapril on mortality in severe congestive heart failure. Results of the Cooperative North Scandinavian Enalapril Survival Study. The CONSENSUS Trial Study Group. N Engl J Med 1987.
( 7)    Ramipril: a review of its use in the prevention of cardiovascular outcomes.Warner GT, Perry CM. 2002
  (7bis) Effect of different ACE inibitors on mortality among elderly patients with congestive heart failure, CMAJ,  Louise Pilote, 2008.
 (7ter)Different ACE inhibitors and the associations with overall and cause-specific mortalities in patients with hypertension, American Journal of Hypertension, Chia-Hsuin Chang. 2014.
 (7quater) Adverse drug reaction monitoring with ACE inhibitors: a prospective randomized open-label comparative study. Indian Journal of pharmacology, Nishant V Sangole 2010.
 (8)    HTA : traitement de deuxieme ligne , la revue prescrire n°293, 2008
(9)    Eklind-Cervenka M. Association of candesartan vs losartan with all-cause mortality in patients with heart failure. JAMA 2011
(10) Les copies du mois - valsartan avec ou sans hydrochlorothiazide : un sartan d'intérêt clinique démontré  LA revue Prescrire n°336, 2011
(11) Randomized, comparative, double-blind study of amlodipine vs. nicardipine as a treatment of isolated systolic hypertension in the elderly. Mounier-Véhier C, Fundam Clin Pharmacol. 2002.
(12) Prise en charge des dyslipidémies, Afssaps 2005.
(13) La vérité sur le cholestérol, Pr Even 2013.
(14) Weng TC et al Clin Pharm Ther 2010
(15)Heart protection collective group MRC/BHF Heart Protection Study of cholesterol lowering with simvastatin in 20,536 high-risk individuals: a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2002
(16) West of Scotland Coronary Prevention Group. West of Scotland Coronary Prevention Study: identification of high-risk groups and comparison with other cardiovascular intervention trials. Lancet 1996
(17) Ridker P et al . rosuvastatine to prevent cardiovascular events in men and women with elevated CRP. NEJM 2008
(18) Prévention cardio-vasculaire :le choix de la statine la mieux adaptée dépend de son efficacité et de son efficience , Fiche de bon usage des médicaments, HAS,  2012
(19) Stone NJ, Robinson J, Lichtenstein AH, et al. 2013 ACC/AHA guideline on the treatment of blood cholesterol to reduce atherosclerotic cardiovascular risk in adults: A report of the American College of Cardiology/American Heart Association. J Am Coll Cardiol 2013
(20) Patient hypercholestérolémique : abandonner les cibles de LDL et traiter par statine selon le risque cardiovasculaire. Le CNGE demande une mise à jour des recommandations françaises qui ne sont plus adaptées aux données de la science - Avril 2014
(21)  IMProved Reduction of Outcomes: Vytorin Efficacy International Trial,  Dharam J. Kumbhani, 2014, lu le 23 novembre 2014 @ http://www.cardiosource.org/science-and-quality/clinical-trials/i/improve-it.aspx?w_nav=RI
(22) Recommandations de la société européennes de cardiologie 2011.

9 commentaires:

  1. Bonjour, merci pour cet article tres intéressant.Je vais le diffuser. Bémol pratique : grosses difficultés à le lire via mon smartphone à cause du fond. Bonne journée. Merci !

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    1. Merci des encouragements! Pour le fond, il est sufisamment foncé chez moi pour permettre un bon contraste. Je vais réfléchir à la question!

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  2. Je n'avais que l'arrière plan bleu clair/blanc sur mon téléphone, parfait sur l'ordi !

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    1. Bizarre, normalement c'est configuré pour le même fond sur téléphone... Bref, tant mieux quand même!

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  3. Bel article, merci infiniment !

    Juste un petit bémol : les statines sont à présent avérées à risque diabétogène, c'est démontré. Comme il n'a jamais été démontré qu'un facteur de risque comme l'hyperlipidémie, pouvait être un risque à lui tout seul... Entre deux mots, choisissons donc le moindre, "Primum non nocere" comme aurait dit Hippocrate :) Enfin, chez les personnes âgées, il est bon de diminuer les posos de tous ces beaux remèdes...

    Bien cordialement

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    1. Je suis d'accord avec le primum non nocere, mais il faut dissocier "baisser l'hyperlipidémie" de " l'effet de la statine". Je ne prescris pas une statine pour faire baisser un chiffre, mais parce que chez certains patients mettre une statine, malgré le disque de diabète, d'hépatite etc... ça permet d'augmenter la mortalité. Balance bénéfice/risque quoi. L'effet diabétogène est bien connu, et dépend de la statine la thèse ( http://www.voixmedicales.fr/wp-content/uploads/2014/05/Th%C3%A8se-v5_5_14_def_leger.pdf ) l'a particulièrement étudié. La pravastatine a l'effet diabétogène le plus bas et est efficace en prévention primaire en terme de morbi-mortalité. Elle semble donc tout a fait intéressante dans cette indication. Et oui, après 80 ans, rien ne dit que cela ait encore un intérêt, Merci du commentaire

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  4. Belle synthèse cher Dragibus ! D'accord sur les choix dans les classes. J'apprécie également le metoprolol (lopressor) pour le traitement de fond de la migraine, pour son action plus longue que le propranolol, et malgré son action périphérique moindre . Rapelle toi que ton "œdème de quincke" sous IEC, est un "angio-oedeme", médié par la bradykinine et non l'histamine, et que donc les sartans sont aussi contre indiqués pour ce risque. Arnaud

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    1. Merci de la précision sur l'oedeme sous bloqueurs du SRA! A bientôt

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  5. J'adore !!!!! Pour moi le cardio c'est l'activité physique je pratique le plus dans ma salle de sport la teste de buch

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