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Blog médical et geek de médecine générale :
« Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours. » (Louis Pasteur)

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dimanche 29 novembre 2020

Dragi Webdo n°291 : corticoïdes, RGO/IPP, otite moyenne aiguë, troubles auditifs, acné, dépendance alcool, activité physique

Bonjour ! Le billet ne devrait pas être trop long. Alors, sans plus attendre, voici les actualités de la semaine, bonne lecture !


1/ Pharmaco-vigilance

L'ANSM informe à nouveau les professionnels de santé des risques d'acidose lactique et de gangrène nécrosante du périnée liés aux traitements par gliflozines (notamment la dapagliflozine qui est la seule disponible en France). 

Cette alerte survient en même temps que la sortie du bilan des médicaments à écarter de la revue Prescrire, et les gliflozines en font partie (sur ce point, je suis quand même en désaccord concernant l'empagliflozine qui a démontré des bénéfices en termes de mortalité globale, cf ici).

Un article américain parle du bon usage des corticoïdes en cure courte en médecine générale. Les auteurs rappellent l'absence de preuve d'efficacité de ces traitements dans les bronchites, sinusites, syndromes du canal carpien, rhinites allergiques, pharyngites, lombo-radiculalgies et zonas. Ils sont par contre bien indiqués dans les crises d'asthme, les crises de goutte et les paralysies faciales a frigore. Les auteurs rappellent les risques de ces traitements comme le sur-risque d'infections (NNH=1250), de maladies thrombo-emboliques (NNH=450) et de fractures (NNH=140)


2/ Activité physique

Le Lancet a publié un commentaire concernant les nouvelles recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé sur l'activité physique. Les recommandations s'adressent à la population générale mais aussi aux femmes enceintes et aux patients atteints de maladies chroniques. Il est recommandé d'effectuer 150 min d'activité modérée par semaine ou 75 min d'activité intense (ou un mix), mais toute l'activité de la semaine peut être effectuée sur 1 seul jour par semaine, et il n'y a pas de durée minimale pour chaque session. Enfin, il faut remplacer les comportements sédentaires par de l'activité physique, même de faible intensité.

Dans le même temps, un article du JAMA internal medicine étudie la mortalité des patients ayant une activité modérée à intense selon la proportion d'activité intense effectuée dans une étude de cohorte. Ils retrouvent que plus la proportion d'activité intense augmente, plus le risque de mortalité globale diminue. C'est concordant avec ce qui était suggéré par d'autres études.


3/ ORL

Annals of family medicine parle du dépistage des troubles auditifs qui sont une source importante d'incapacité en atteignant 30% des patients de plus de 55 ans. L'étude permettait un dépistage systématique chez les patients grâce à un rappel systématique et leur demandait de compléter le Hearing Handicap Inventory. Sur les 14 000 patients inclus, 3% étaient adressés pour hypoacousie avant la mise en place de cette intervention et 14% après le dépistage dans un des centres, et 0,7% et 4,7% respectivement dans un autre centre. Les auteurs retrouvent que 93% des 1600 patients adressés pour suspicion d'hypoacousie avaient été adressés de façon justifiée et 71% des patients considéraient que l'avis spécialisé était approprié pour leur prise en charge. Bref, pensons à rechercher les troubles auditifs.

Le BMJ revient sur les otites moyennes aiguës de l'enfant. Le diagnostic repose sur des symptômes (douleurs de l'oreille spontanée ou à la palpation ou fièvre), un épanchement (bombement du tympan ou diminution de mobilité au pneumatoscope NB: l'otoscope Welch Allyn a un emplacement pour brancher le pneumatoscope) et une inflammation tympanique (érythème tympanique à l'otoscopie). Les complications sont rare mais il faut être vigilent en cas de facteur de risque de gravité: enfant de moins de 3 mois, persistance des symptômes, paralysie faciale ou syndrome méningé. Concernant les traitements antalgiques, le paracétamol et les AINS sont efficaces. Les gouttes antalgiques locales ne sont pas recommandées mais réduiraient la douleur en 30min, et pourraient réduire la consommation d'antibiotiques. Sinon, le traitement antibiotique est recommandé : avant 6 mois, si comorbidités (immunodépression, malformation faciale, trisomie 21), avant 2 ans si bilatéral, si mal toléré ou si écoulement lié à une perforation, pour réduire la durée des symptômes essentiellement. Les antibiotiques topiques ne sont recommandés que si aérateur transtympaniques, mais les auteurs disent que leur utilisation chez les enfants avec otite perforée est attractive et pourrait réduire l'utilisation d'antibiotiques oraux mais qu'il n'y a pas de preuve pour valider cette pratique. (l'article ne parle pas du syndrome otite-conjonctivite qui semble très franco-français).

 

4/ Dermatologie

Cet article du BJGP s'est proposé d'explorer les raisons qui amènent les MG britanniques à ne pas toujours suivre les stratégies recommandées dans le traitement de l'acné (surprescription d'antibiotiques, moindre prescription de traitements topiques), en explorant les facteurs entrant dans leur processus décisionnel. Les entretiens semi-dirigés téléphoniques étaient courts, ce qui s'explique probablement par la précision de la question sur la thérapeutique. Les MG interrogés ont évoqué leurs incertitudes sur la prescription de médicaments topiques, avec une méconnaissances des spécialité disponibles, une peur des effets indésirables et d'une moindre acceptation des patients. En revanche, les antibiotiques étaient vus comme efficaces, rapides et familiers, favorisant leurs prescriptions, avec l'idée que les patients avaient souvent déjà essayé des topique avant la consultation et qu'ils étaient déjà en situation d'échec du traitement local. Il reste du chemin à parcourir pour rapprocher nos perceptions de la réalité scientifique concernant l'efficacité des traitements, notamment des antibiotiques, que ce soit dans le traitement de l'acné comme dans celui des infections respiratoires. 


5/ Gastro-entérologie

Une grosse revue du BMJ parle du reflux gastro-oesophagien. Sur le fond, rien de très neuf, la fibroscopie est recommandée si signe d'alerte (dysphagie, saignement, perte de poids), symptômes atypiques, ou échec des inhibiteurs de pompe à proton (IPP). La prise en charge repose sur des règles diététiques: éviter le café, l'alcool, le chocolat, les aliments gras, les plats épicés et boissons acides, mais aussi arrêter de fumer, ne pas se coucher en post-prandial, relever la tête du lit, et perdre du poids. Concernant le traitement médicamenteux, il y a bien sur les antiacides, alginates et anti-H2 mais surtout les IPP qui ne sont pas tous équivalents sur le pourcentage de temps de la journée avec un pH gastrique >4 (idéalement 50-70% du temps) sans que les différences en termes d'efficacité clinique ne soit vraiment étudiée.

Concernant les effets secondaires des IPP au long cours, l'article fournit également une liste très détaillée des associations retrouvées dans la littérature:

6/ Addictologie

Un article du BMJ (encore!) aborde cette fois les traitements de la dépendance alcoolique dans une grosse méta-analyse en réseau. Le seul traitement efficace avec un niveau de preuve modéré (alors que les autres sont de niveau de preuve faible) est l'acamprosate qui multiplie la probabilité d'arrêt par 1,86. Le baclofène est à la limite de la significativité, la quetiapine, le tipiramate et le GHB sont efficaces avec un faible niveau de preuve mais pas sûr que la balance bénéfice-risque soit vraiment favorable...


C'est fini pour cette semaine. Vous pouvez toujours vous abonnez sur  FacebookTwitter et à la newsletter (mail) pour ne rater aucun billet. Pour cela, inscrivez votre adresse mail e-mail tout en haut à droite sur la page (sans oublier de confirmer l'inscription dans le mail intitulé "FeedBurner Email Subscriptions", qui vous sera envoyé et qui peut arriver dans vos spams)

A la semaine prochaine !

@Dr_Agibus et @DrePetronille (pour le quali et la relecture)

 


 

dimanche 22 novembre 2020

Dragi Webdo n°290 : COVID-19 (masques, facteurs de risque), pathologies bucco-dentaires (recos), statines, gluten/pédiatrie, dépistage CCR, sotagliflozine

Bonjour! Au cas où certains politiciens de la santé tombent sur ce blog, voyons ce qu'il se passe au niveau de la population quand des patients perdent leur médecin généraliste pour différentes raisons (retraite, déménagement, décès...). Cet article du Jama Internal Medicine retrouve que les patients ayant perdu leur médecin généraliste consultent moins les généralistes (logique...) mais augmentent leurs consultations chez les spécialistes et dans les services d’urgences, entrainant un surcoût (puisque c'est l'argent qui fait poser des décisions) de 189€ par patient par an en moyenne (mais jusqu'à 260€ pour les patients dont le médecin généraliste exerçait seul). Bonne lecture pour la suite!


1/ COVID-19

Une étude s'est intéressée à l'efficacité des masques FFP2 en faisant sentir une odeur à des professionnels utilisant différents types de masques. Tous ne sont visiblement pas égaux au niveau de leur étanchéité (en vert, le pourcentage des 83 professionnels n'ayant pas senti l'odeur, en rouge ceux l'ayant sentie). En gros, ceux qui s'attachent derrière les oreilles et pas derrière la tête sont moins étanches (zut, c'est ces derniers auxquels j'ai eu droit lors des distributions de masques du stock de l'État....du coup, j'ai testé mon FFP2 en allant chercher mon kebab ce soir et j'ai parfaitement senti les odeurs! Mais bon, c'est pas le même type de molécules senties, donc c'est normal de sentir des odeurs quand même.)

 

Le HCSP a mis à jour les facteurs de risque de COVID sévère en fonction de l'augmentation du risque (mais pour le moment, c'est toujours le décret du 10 novembre qui est utile pour l'isolement sur déclare.ameli).  Sont considérés à risque les patients de la liste précédente, auxquels s’ajoutent:

  • A/ Situation multipliant le risque entre 1 et 3 (modéré):
    • âge de 60 à 69 ans 
    • sexe masculin (je ne sais pas si du coup, il faut mettre tous les hommes en isolement...)
    • obésité (IMC ≥ 35 kg/m2) 
    • diabète avec HbA1c ≥ 7,5% 
    • pathologies entrainant une immunodépression 
    • cancer des voies respiratoires ou autres cancers solides de diagnostic datant de moins de 5 ans 
    • hémopathies malignes y compris si le diagnostic date de plus de 5 ans
    • chimiothérapie grade A
    • radiothérapie dans les 6 mois précédents
    • insuffisance rénale stade 3 à 5 (risque plus élevé si stade plus élevé)
    • maladies neurologiques autres qu’AVC dont épilepsie
    • BPCO, Hypertension artérielle pulmonaire, asthme nécessitant la prise de corticoïdes inhalés ;
    • insuffisance cardiaque, artériopathies périphériques, fibrillation auriculaire
    • maladie thrombo-embolique
    • fracture ostéoporotique (hanche, rachis, poignet, humérus) 
    • troubles de l’apprentissage
    • cirrhose du foie (sans définition de stade)
    • polyarthrite rhumatoïde, lupus systémique, psoriasis
  • B/ Situations augmentant le risque entre 3 et 5 (élevé):
    • diabète de type 1 
    • drépanocytose 
    • déficit immunitaire combiné sévère 
    • insuffisance rénale stade 5 avec dialyse
  • C/ Situations augmentant le risque par plus de 5 (très élevé):
    • âge ≥ 70 ans 
    • syndrome de Down (trisomie 21) 
    • greffe de cellules souches 
    • chimiothérapie grade B et C 
    • insuffisance rénale stade 5, ou greffée 
    • syndromes démentiels 
    • paralysie cérébrale.

L'INSEE a publié les chiffres des décès de cette année par rapport à ceux des années précédentes, voilà:


2/ Cardiovasculaire

Une étude du NEJM a utilisé une méthode de "N of 1 trial", c'est à dire que chaque patient est une étude à lui tout seul. Ainsi, des patients connus pour ne pas avoir toléré une statine ont reçu de façon randomisée et en aveugle des flacons: de placebo ou de statines ou vides. Les auteurs retrouvent que 90% symptômes survenant sous statines survenaient aussi sous placebo! Au final, 50% des patients ont recommencé une statine après l'étude.

A partir d'une revue systématique suivant des patients pendant 2 à 6 ans, des auteurs ont estimé le temps pour obtenir un bénéfice lié aux statines en prévention primaire. Ainsi, ils ont retrouvé qu'il fallait que 100 patients suivent leur traitement par statine pendant 2,5 ans pour éviter 1 évènement cardiovasculaire ou que 500 patients soient traités 0,8 ans, mais  sans bénéfice retrouvé sur la mortalité (ça c'est logique puisque seul la simvastatine et la pravastatine ont montré un bénéfice de mortalité et qu'elles se retrouvent noyées au milieu des autres statines).

Un essai contrôlé randomisé du JAMA a étudié l'effet des omega-3 versus l'huile de maïs, utilisé comme comparateur inerte, sur la survenue d'évènements cardiovasculaire chez des 13000 patients à haut risque. Les auteurs ne retrouvent pas d'efficacité chez ces patients dont la moitié était en prévention secondaire. En fait, l'étude a même été arrêtée prématurément car les analyses intermédiaires montraient qu'il y avait peu de chance qu'un bénéfice soit retrouvé.

 

3/ Infectiologie

Les recommandations d'antibiothérapies dans les pathologies buccodentaire ne sont pas très récentes, puisqu'elles datent de 2011. Des recommandations belges sur le sujet viennent d'être publiées.

Concernant ce qu'on voit en médecine générale, les antibiotiques sont généralement non recommandés mais peuvent être utilisés:

  • Abcès péri-apicaux ou parodontaux avec signes d'extension locale ou systémique d'infection (type cellulite, fièvre, malaise...): amoxicilline 500mg x3/jour pendant 3 à 7 jours, 
  • Parodontite aigue agressive: amoxicilline 500mg+ metronidazole 500mg x3/jour pendant 3 à 7 jours
  • chez les patients à haut risque d'endocardite (atcd de cardiopathie cyanogène, valve prothétique cardiaque, atcd d'endocardite) avant un geste dentaire invasif : amoxicilline 2g chez l'adulte,  ou 50mg/kg chez l'enfant,  30-60min avant le geste.


4/ Pédiatrie

Alors que d'autres étude ne retrouvaient pas de bénéfice à l'introduction précoce du gluten (cf ici et les recos ), une nouvelle étude retrouve que son introduction vers 4 mois réduit le risque de maladie cœliaque à 3 ans par rapport à une introduction standard vers 6 mois (0% vs 1,4%, donc dur de faire des statistiques avec un 0% d'un côté, mais ça serait à confirmer par d'autres études quand même).


5/ Oncologie

Cette étude a exploré les motifs de non réalisation de la coloscopie après un dépistage du cancer colorectal positif en interrogeant 17 hollandais n’ayant pas réalisé leur coloscopie 6 mois après leur test par immunofluorescence fécal (FIT) positif. Les obstacles externes classiques étaient les barrages financiers, ou encore d’autres priorités de santé. Ce qu’apporte l’article, c’est surtout de comprendre les motifs intrinsèques : perception d’un faible risque, peur de la coloscopie (et/ou souhait d’une alternative), méfiance vis à vis du dépistage ou fatalisme vis-à-vis du cancer. Les auteurs ne précisent pas pourquoi ce blocage n’est pas présent avant même la première étape du dépistage alors même que les participants ont aussi évoqué un souhait de dépistage plus personnalisé et que le FIT ne l’est pas. Le rôle des médecins serait ainsi de ne pas banaliser ce test mais de prendre un temps dédié pour parler du dépistage, de ses représentations et des suites à apporter à l’enveloppe bleue remise en consultation en fonction de ses résultats.

 

6/ Diabétologie

Pour finir, voici 2 articles concernant la sotagliflozine, le 1er chez diabétiques avec insuffisance rénale et l'autre chez les diabétiques avec insuffisance cardiaque. Dans le 1er, 10000 patients diabétiques avec un DFG estimé entre 25 et 60ml/min ont été randomisés pour recevoir ce traitement ou un placebo. Les patients ont eu une réduction du critère principal (composite) cardiovasculaire de 26% (soit un NNT de 53 patients par an) sans réduction de la mortalité cardiovasculaire ni globale. On note une augmentation des diarrhées (NNT= 40), des acidocétoses diabétiques (NNT= 334) et des infections génitales mycosiques (NNT= 67).

L'article chez les patients insuffisants cardiaques a inclus 1200 patients ayant eu des symptômes d'insuffisance cardiaque. De la même façon, il y avait une diminution de la survenue du critère principal cardiovasculaire de 33% (NNT= 4 patients.année), et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque de 36% (NNT=5), quelle que soit la FEVG (supérieure ou inférieure à 50%), sans diminution de la mortalité cardiovasculaire ou globale. Les effets secondaires étaient similaires à ceux de l'autre étude. Bref, une nouvelle gliflozine qui réduit le critère de jugement composite cardiovasculaire mais qui ne réduit pas la mortalité comme le fait l'empagliflozine.


C'est fini! Pour ne pas manquer le dernier billet, abonnez-vous sur  FacebookTwitter et à la newsletter (mail). Pour cela, inscrivez votre adresse mail e-mail tout en haut à droite sur la page (sans oublier de confirmer l'inscription dans le mail intitulé "FeedBurner Email Subscriptions", qui vous sera envoyé et qui peut arriver dans vos spams). Il y a eu un bug la semaine dernière avec la newsletter qui n'est pas partie dans la nuit du dimanche au lundi, comme d'habitude, alors j'espère que tout va bien se passer cette semaine!


À la semaine prochaine,
@Dr_Agibus et @DrePetronille (pour la partie quali et la relecture)

dimanche 15 novembre 2020

Dragi Webdo n°289 : COVID (recos HAS, O2, anticoagulation, fluvoxamine), fer/insuffisance cardiaque, statines et sujet âgé, dépistage cancer poumon, e-cigarette, reflux, soins palliatifs

 Bonjour ! Le billet de la semaine va être assez dense, alors bonne lecture !!


1/ COVID-19

La HAS en partenariat avec le CMG, la SPILF et le CNGE, a publié des recommandations concernant la prise en charge en 1er recours des patients COVID. On retiendra particulièrement:

  • Des consultations présentielles à privilégier, avec mesure de la saturation en oxygène
  • Chez le patient symptomatique: indication de PCR ou de test antigénique (entre J1 et J4 des symptômes si la PCR est indisponible sous 48h) chez les patients sans signe de gravité. S'il y a des difficultés pour le test nasopharyngé, faire une PCR salivaire
  • Chez le patient asymptomatique: indication de PCR immédiatement puis à 5-7 jours si contact étroit (même foyer) ou à J5-J7 après l'exposition si pas de contact étroit. S'il y a des difficultés pour le test nésopharyngé, faire PCR oro-pharyngée
  • La surveillance des patients COVID doit être renforcée entre J6 et J12, les corticoïdes ne sont pas indiqués chez les patients non graves, et l'anticoagulation n'est recommandée que si patient alité ou facteurs de risque de thrombose
  • Chez l'enfant de moins de 11 ans, un test est recommandé si fièvre sans cause après 6 ans ou si fièvre sans cause depuis 3 jours avant 6 ans.

La HAS a également publié des recommandations controversées sur la prescription de l'oxygénothérapie en ville en contexte de COVID. Elle serait indiquée de façon exceptionnelle chez des patients sortant d'hospitalisation et encore oxygénorequiérants ou chez des patients en ville d'emblée en l'absence de possibilité d'hospitalisation. Le patient doit avoir une SpO2< 92% mais > 90%, nécessiter 3L/min maximum et avoir un aidant présent 24h/24 pour effectuer la surveillance avec un objectif de SpO2 entre 92% et 96%. Dans ces conditions l'anticoagulation préventive et les corticoïdes sont également indiqués. Des sociétés savantes se sont insurgées contre cet avis car 1/il y a une indication formelle à hospitaliser ces patients, compte tenu de l'évolution parfois très rapide de la maladie 2/ il n'est pas concevable de laisser reposer la surveillance du patient sur la présence d'un tiers aidant. 

Dans le même temps la SPLF a publié un document allant dans le même sens, mais ne recommandant pas la présence d'un tiers en permanence et détaillant les modalités techniques et la façon de prescrire. La fiche oxygénothérapie COVID de coronaclic est très bien faite, mais le nombre de contre-indications entraine l'exclusion de 99% des patients.

Pour revenir sur l'anticoagulation préventive des patients COVID, une étude française a retrouvé que les patients COVID+ font 10 fois plus de thrombopénies induites à l'héparine, avec une incidence de 8% chez ces patients en réanimation contre 0,9% habituellement soit un NNH de 15! Donc, ça vaut probablement mieux de ne pas mettre tous les patients COVID sous anticoagulation préventive...

Le JAMA a publié un article randomisant 150 patients COVID+ non graves sans pathologie pulmonaire chronique dans un bras de traitement par fluvoxamine (un IRS) ou dans un bras placebo. Le critère de jugement était une aggravation clinique définie comme une saturation devenant < 92% associée à une dyspnée ou hospitalisation pour dyspnée ou pneumonie. Aucun patient du groupe traitement ne s'est aggravé contre 8.3% dans le groupe placebo (p< 0.01, NNT=13!). Il n'y avait pas de différence dans le nombre global d'effet indésirables. Avant de traiter tout le monde par antidépresseur, attendons d'autres études de plus grande envergure.


2/ Cardiovasculaire

L'USPSTF (équivalent américain de la HAS) retrouve qu'il n'y a pas de preuves suffisantes pour évaluer la balance bénéfice risque d'un dépistage de l'HTA chez l'enfant et l'adolescent. Pour mémoire, en France le dépistage est recommandé annuellement à partir de l'âge de 3 ans...

Un article du Lancet revient sur la supplémentation martiale en cas d'insuffisance cardiaque gauche (FEVG< 50%). Les auteurs rappellent que la carence martiale chez ces patients doit être recherchée (recos ESC) et qu'elle se définit par une ferritine < 100 ou < 300 si le coefficient de saturation est < 20%. Dans l'étude, les patients carencés ont reçu un placebo ou une injection de fer parentéral. Après 52 semaines, le traitement n'a pas réduit la survenue du critère de jugement principal composite (hospitalisations et décès à 52 semaines) de façon significative. Si les auteurs avaient fait un simple critère sur les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, le résultat était positif avec une réduction des hospitalisations de 25% (NNT=9 patients.année ce qui est plutôt très bien). Bref, tout ça pour rappeler qu'il est utile de dépister et de traiter les carences martiales chez les insuffisants cardiaques, mais l'injection ponctuelle annuelle n'est probablement pas à préférer par rapport à un traitement oral.

On parle régulièrement des statines chez le sujet âgé, et de leur efficacité contestée après 75 ans dans diverses études (ici et ). Cette étude du Lancet va à l'encontre des autres. En effet, cette revue systématique avec méta-analyse retrouve que baisser le LDL de 1mmol/L permet de réduire le risque relatif d'évènements cardiovasculaires (critère composite) de 26% chez les patients de plus de 75 ans, sans différence avec les moins de 75 ans ni entre ceux traités par statines ou traitement non-statine. Le principal problème c'est qu'ils ne séparent pas prévention primaire et secondaire: on savait déjà qu'en prévention secondaire, c'était plutôt utile de continuer quel que soit l'âge. J'apprends au passage l'existence d'une étude en cours randomisant l'atorvastatine versus placebo en prévention primaire chez des patients exclusivement de plus de 70 ans, à suivre!


3/ Pneumologie

Une revue systématique d'Annals of family medicine s'est intéressée à la mortalité spécifique, toute cause et au surdiagnostic dans le cadre du dépistage du cancer du poumon en intégrant les données de 8 essais randomisés soit 90000 patients. S'il y a bien une réduction relative de la mortalité spécifique de 19% (NNT= 250), la réduction de mortalité globale reste non significative (RR=0.96 [0.92;1.01] et les auteurs tentent quand même de dire que son NNT serait de 295. Le taux de surdiagnostic est évalué à 20% ce qui est concordant avec les autres études.

Il y a 2 ans, une étude retrouvait un bénéfice à l'e-cigarette dans le sevrage tabagique. Une étude canadienne a randomisé des patients motivés pour arrêter de fumer pour qu'ils reçoivent, en plus d'un soutien motivationnel, soit une e-cigarette avec nicotine, soit une e-cigarette sans nicotine, soit pas d'e-cigarette. L'utilisation d'e-cigarette avec nicotine était plus efficace que l'absence d'e-cigarette à 12 semaines (NNT=8), mais pas à 24 semaines. Au contraire, l'e-cigarette sans nicotine n'était pas plus efficace que l'absence d'e-cigarette à 12 semaines, mais l'était à 24 semaines (NNT=10). C'est probablement intéressant pour réfléchir sur la place de l'addiction à la nicotine et à celle de l'addiction à la gestuelle, voire de tester une e-cigarette avec nicotine pendant 12 semaines suivie d'un arrêt de la nicotine.


4/ ORL

Un article du BMJ parle du reflux laryngo-pharyngé qui est une manifestation du reflux gastro-oesophagien. Il se manifeste par une sensation de boule dans la gorge plutôt médiane (penser au cancer si latéralisé) ressentie à la déglutition (et pas lors des prises de solides ou de liquides), un hémage (raclement de gorge), un enrouement vocal, un gout amer ou de la toux (souvent plusieurs symptômes). On peut s'aider d'un score (reflux symptom index), évocateur de reflux s'il est supérieur à 13. Le traitement est empirique avec des inhibiteurs de la pompe à proton. La persistance des symptômes plus de 4 semaines doit faire demander un avis spécialisé.


5/ Soins palliatifs

Une étude qualitative française a étudié les ressources des médecins généralistes pour les accompagner dans les soins palliatifs à domicile, quand environ un français sur quatre y décède. Les 21 entretiens semi-structurés ont été analysés de manière inductive et ont retrouvé des ressources internes ou externes. La gestion des soins palliatifs à domicile, peu aidée par la formation initiale théorique qui pose néanmoins le cadre légistatif, l'était en revanche par   l'expérientiel : stages de formation initiale, accompagnement des patients mais aussi lors d'expériences personnelles. Le statut particulier de généraliste dans le parcours de soins et dans la relation médecin-patient permettait aux médecins de s'engager et d'obtenir la confiance de la famille, permettant un épanouissement qui compensait la difficulté des situations. Loin d'être seuls, les médecins s'appuient sur les ressources locales: infirmier.es, principalement, ou encore l'hospitalisation à domicile. Fondamentale, la place des proches et des aidants est également évoquée dans le processus de décision et d'accompagnement de la fin de vie. 


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dimanche 8 novembre 2020

Dragi Webdo n°288 : corticoïdes/COVID (HCSP/CNGE), suivi après coloscopie (recos US), rémission du diabète, ECG chez l'enfant, colchicine/coronaropathie, délai de PEC/cancer, conflits d'intérêt

Bonjour, débutons ce Dragi Webdo par l'article quali de la semaine qui concerne les conflits d'intérêt. En effet, une étude du BMJ s'est intéressée aux conflits d'intérêt lorsque sont menés des essais cliniques. Les auteurs ont interrogé 20 chercheurs, principalement des hommes, du monde entier, à travers des entretiens semi-dirigés téléphoniques. La méthodologie de l'étude est bien décrite et semble solide. La définition des conflits d'intérêt était variable entre les interrogés, et ils étaient volontiers dans la difficulté de cerner tous les conflits d'intérêt liés à la conduite d'essais cliniques. Les interrogés ont rappelé les conflits d'intérêt financiers ou politiques (nécessité de financement, arrêts prématurés des études lorsque les résultats ne vont pas dans le sens souhaité par le promoteur...). Certains participants évoquaient aussi les liens d'intérêt personnels des auteurs : l'envie de mieux traiter, en en privilégiant les bras intervention des études, ou encore leur choix de participer plutôt à des études pouvant améliorer leur carrière personnelle. Les interrogés ont bien décrit les différentes stratégies pour gérer leurs conflits d'intérêt dans l'article. Cette étude rappelle les limites des études publiées et questionne sur l'équilibre entre les moyens nécessaires pour pouvoir mener une étude, les raisons qui poussent les chercheurs à chercher et la façon dont sont conduites et publiées (ou non, et cela est une question en soi) les études, sur l'éthique de la recherche. Pensez à vous former à l'éthique dans la recherche si ce n'est pas fait (il existe des Mooc passionnants sur le sujet). Bonne lecture !


1/ COVID-19:

Le conseil scientifique du CNGE a émis un avis rappelant qu'il est nécessaire de prendre des décisions en accord avec les données de la science même en période de pandémie. Les auteurs rappellent que seuls les corticoïdes ont démontré une efficacité, uniquement chez les patients atteints de COVID sévères. Ils notent que l'anticoagulation préventive recommandée par le HCSP chez les patients avec mobilité réduite associée à des facteurs de risque n'est actuellement pas appuyée par des études. Bref, primum non nocere

Le HCSP a publié un avis sur l'utilisation des corticoïdes dans le COVID-19 chez les patients hospitalisés. Ils recommandent le traitement chez les patients de médecine ou de réanimation avec une SpO2 < 94% (< 90% si insuffisance respiratoire) âgés de moins de 70 ans (à discuter après). C'est bien la dexamétasone qui est recommandée, 6mg/j pendant 10 jours maximum ou à défaut de la méthylprednisolone (32 mg/j)   ou de la prednisone (40  mg/j) ou de l'hydrocortisone (160 mg/j) 

Une petite étude du JAMA super simple à réaliser a comparé la saturation en oxygène de patients âgés de 76 ans en moyenne avant, pendant et après le port d'un masque. Les variations étaient de moins de 0,5% et les intervalles de confiance éliminaient des variations de plus de 2%.


2/ Cardiovasculaire

La colchicine semblait efficace dans l'infarctus du myocarde d'après cet article de 2019. Le NEJM a publié un autre essai contrôlé randomisé évaluant la colchicine 0,5 mg/j vs placebo chez les patients avec coronaropathie stable. Plus de 5000 patients ont été suivis pendant 2 ans environ et les patients traités par colchicine avait un risque plus faible d'évènements cardiovasculaires sur le critère de jugement composite principal (NNT=91 patients.année). Quand on regarde les données de mortalité cardiovasculaire et globale, il n'y avait cependant pas de bénéfice retrouvé du traitement. Les patients sous colchicine avaient également moins de crises de goutte (pas très surprenant), mais d'avantage de myalgies (logique compte tenu de l’interaction statine+colchicine). Il est également inquiétant de voir une augmentation de la mortalité non-cardiovasculaire de proche de la significativité étant donné la nature exploratoire de cette analyse (OR=1,51[0.99-2.31], NNH d'environ 500 patients.année). Notons la bonne tolérance digestive, mais 15% des patients éligibles ont été exclus, souvent pour troubles digestifs, au cours d'une "run-in periode" (période durant laquelle on donne le médicament à tout le monde pour voir s'il est bien supporté... les patients ne le supportant pas ne sont pas randomisés et donc non analysé). Le risque d'hospitalisation pour pneumonie n'était pas augmenté mais les nombre de pneumonies non hospitalisées n'a pas été recueilli. Il aurait également été intéressant d'avoir des résultats concernant le sur-risque hémorragique chez les 12% de patients sous anticoagulants pour savoir dans quelle mesure la colchicine augmentait le risque de saignement. L'ensemble des données pourrait en faire une molécule intéressante, à voir si le bénéfice à long terme surpasse réellement les risques chez des patients moins sélectionnés.

Un article du JAMA Cardiology évalue la prévalence de l'HTA masquée nocturne dans une étude de cohorte de patients âgés d'environ 50 ans. Ainsi, cette étude retrouve qu'il y aurait environ 20% des patients atteints d'après les résultats de MAPA mais seulement environ 12% auraient une HTA masquée nocturne isolée (sans HTA diurne associée). Pour mémoire, l'HTA nocturne peut se manifester par céphalées, asthénie, nycturie... ou atteinte d'organe (protéinurie, hypertrophie cardiaque....) sans cause retrouvé (cf ici).

La HAS et l'ESC sont désormais d'accord sur le fait qu'il n'est pas nécessaire d'effectuer des ECG systématiques chez l'adulte pour la pratique du sport (même si l'ESC les recommande quand même en cas de compétition). Chez l'enfant, on a moins d'éléments, mais la société américaine de pédiatrie recommande de ne pas faire d'ECG systématique en l'absence d'antécédent familiaux ou personnels de maladies cardiovasculaires (ils disent aussi de ne pas doser systématiquement la troponine pour les douleurs thoraciques de l'enfant).

3/ Oncologie

Un article du BMJ s'est intéressé au surrisque de mortalité lié au retard de prise en charge de cancers. Les auteurs retrouvent une augmentation de 8% de la mortalité pour le cancer du sein et de 6% pour le cancer du colon chez les patients ayant eu un accès à la prise en charge chirurgicale différée de 4 semaines. Ainsi, pour ces cancers à la mortalité estimée à 12%, pour 1000 femmes atteintes, un délai de 1 mois entrainerait une surmortalité de 10 patients... Avec le confinement et le renoncement aux soins qu'il y a eu, on devrait donc s'attendre à une triste augmentation de la mortalité de ces cancers. Les études incluses étaient des études rétrospectives pour la plupart, et les stades inclus variaient également: parfois que des faibles stades (comme pour le poumon et il n'y a pas de surmortalité lié au délai) et d'autres fois des stades 1 à 4 (comme pour le sein) mais on n'a pas la proportion de stades inclus (s'il y a beaucoup de 3-4 et peu de 1-2, le délai a certainement plus d'impact.

On avait abordé un article du BMJ concernant le suivi après coloscopie il y a  quelques mois et qui reprenait surtout les recos britanniques et européennes. Le JAMA publie désormais les recommandations américaines de 2020 concernant le suivi par coloscopie.

  • Pour 1 ou 2 adénomes de moins de 10mm: coloscopie dans 7 à 10 ans (retour au dépistage généralisé selon les recos européennes et britannique)
  • Pour 3 adénomes de moins de 10mm ou plus: coloscopie dans 3 ans (concordant avec les recos européennes et britanniques)
  • Dès 1 adénome de plus de 10mm: coloscopie à 3 ans (concordant)
  • Si 1 adénome ou polype sessile fait plus de 20mm: coloscopie à 6 mois (non abordé) 

4/ ORL

Un essai contrôlé randomisé a cherché a évaluer l'efficacité de la vitamine D versus placebo dans la récurrence  des vertiges paroxystiques bénins après traitement efficace par des manoeuvres. Les patients du groupe intervention avec une vitamine D < 20ng/mL étaient traités par "vitamine D 400UI+calcium 500mg" x2/jour pendant 1 an et avaient moins de récurrence de VPPB! En chiffre absolu, il y avait 0,27 épisode de vertiges en moins dans ce groupe traitement soit un NNT de 3,7 patients.


5/ Diabétologie

Des auteurs ont essayé de trouver la définition de la rémission du diabète. Cette revue systématique de Plos Medicine a mis en évidence 96 définitions différentes selon les études. Globalement, les critères reposaient sur 

  • l'absence de traitement antidiabétique 
  • un seuil glycémique en dessous d'un seuil, le plus souvent placé à 6% d'HbA1c. 
  • A ces 2 critères s'ajoutent un critère de temps (souvent oublié dans les études), qui est majoritairement fixé à 1 an avec les 2 critères remplis pour la rémission et à 5 ans pour la rémission prolongée. 

Il reste à savoir si un patient en rémission prolongée à toujours besoin du suivi cardiologique, ophtalmologique etc...ou si on peut arrêter.

Un essai contrôlé randomisé a évalué l'efficacité de la funerenone (un antialdostérone) chez les patients diabétiques avec maladie rénale chronique. Les patients traités ont eu une survenue moindre du critère de jugement composite d'évènements rénaux (NNT=68 patient.année), et du critère de jugement composite cardiovasculaire (NNT=124 patients.année) après 1 an de suivi.. Leur DFG se dégradait moins vite, mais il n'y avait pas moins d'insuffisances rénales terminales, ni d'infarctus, ni d'AVC ni de réduction de la mortalité globale ou cardiovasculaire. Cependant, il y avait, logiquement plus d'hyperkaliémies (NNH= 4!!) et d'hyperkaliémies sévères (NNH= 100 patients). Au final, pas sûr que la balance bénéfice risque soit vraiment favorable compte tenu de la fréquence de cet effet indésirable.

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@Dr_Agibus

lundi 2 novembre 2020

Dragi Webdo n°287 : MTEV (recos US), troubles neurologiques fonctionnels, violences, toux nocturne, score calcique, chirurgie bariatrique, dépendance OH, thiazidique, ménopause, détective

Bonjour à tous en ce début de nouveau confinement. Bon courage tout le monde... et bien sûr bon courage aux nouveaux internes qui vont être lancés brutalement dans tout ça! Voici les actualités de la semaine, bonne lecture!


1/ Pharmacovigilance

Les effets cardiovasculaires des quinolones sont de plus en plus connus (d'anévrisme de l'aorte et de dissections aortiques). Une nouvelle alerte de l'ANSM informe sur le risque de valvulopathies mitrales et aortiques.

Comme régulièrement (cf ici), l'ANSM rappelle les traitements du rhume et les risques de vasoconstricteurs nasaux à l'aide de fiches pratiques. Dans la même idée, l'Académie de médecine communique sur le fait qu'aucun traitement n'a démontré d'efficacité dans le rhume (Bon, l'académie veut aussi créer un "observatoire national du rhume" qui statuera aussi sur "définir la place des antibiotiques dans le rhume")

D'autres alertes concernent une fois encore les morphiniques et notamment le fentanyl transmuqueux qui est responsable d'abus, de dépendance et de surdosage, notamment lorsqu'il n'y a pas de traitement de fond correctement adapté. Par ailleurs, il est préférable de ne pas dépasser 4 prises par jour.

On avait parlé du risque de cancer cutané (surtout spinocellulaire) chez les patients sous hydrochlorothiazide (HCTZ) ici. Une nouvelle étude de cohorte a comparé des patients nouveaux utilisateurs d'HCTZ avec des patients traités par d'autres thiazidiques. Les auteurs retrouvent un risque de spinocellulaires chez les utilisateurs d'HCTZ multiplié par 2 après 5-10 ans et par 3,7 après 10 ans. Ce risque semblant spécifique de l'HCTZ, c'est un argument de plus pour préférer un autre thiazidique (on en avait déjà parlé ici et )

Une étude du BMJ revient sur le risque de cancer du sein en cas de traitement hormonal substitutif de la ménopause. Les auteurs retrouvent une augmentation du risque de cancer sous traitement oestroprogestatif aussi bien pour un usage récent qu'ancien, mais aussi pour une utilisation récente d’œstrogènes seuls dès 3 ans d'utilisation et pour une utilisation de tibolone, et c'est pire après 5 ans d'utilisation. Globalement, cela correspond à un sur-risque de 3 à 8 femmes pour 10 000 par an pour un traitement par oestrogènes seuls et entre 9 et 36 cas pour 10 000 par an pour un traitement par oestroprogestatifs, ce qui est plus que ce qui avait été dit dans le JAMA.

 

2/ Cardiovasculaire

Un article du journal du collège de cardiologie américain revient sur les indications des traitements dans les maladies thrombo-emboliques veineuses. On retiendra surtout la classification du risque de récidive selon les type de facteurs de risque:

- risque très faible de récidive : facteur transitoire chirurgical (opération, traumatisme)

- risque faible de récidive: facteur transitoire non chirurgical (contraception, grossesse, avion >8h, blessure de jambe non traumatique, pathologie aigue)

- risque modéré de récidive : facteur non transitoire (âge avancé, fragilité, maladie chronique (notamment auto-immune ou inflammatoire) ou absence de facteur identifié

- risque élevé de récidive: cancer actif, antécédent de MTEV, thrombophilie génétique ou acquise,

Ainsi, la conduite à tenir pour discuter d'un traitement prolongé est guidée par ces facteurs selon le risque hémorragique évalué (par le VTE-BLED ou RIETE score, comme présenté dans cet algorithme:

 
Après avoir parlé du score calcique la semaine dernière chez les diabétiques, un article du JAMA en parle en population non diabétique pour évaluer le bénéfice de l'aspirine en prévention primaire. Les auteurs plaident pour un bénéfice net de l'aspirine, en l'absence de risque hémorragique élevé, chez les patients à risque cardiovasculaire élevé (score américain 20%), et ceux à risque intermédiaire (5-20%) avec un score calcique >100. L'article parle en réduction de risque et en risque de saignement, mais aucune valeur absolue en termes de NNT et NNH n'est calculable. Compte tenu des autres études en prévention primaires sur l'aspirine même chez les patients à risque élevé (chez qui le score calcique n'est pas utile d'après cet étude), le bénéfice était déjà douteux (cf ici, et ). Bref, le score calcique n'est probablement pas le plus adapté pour déterminer qui doit avoir de l'aspirine en prévention primaire (à voir s'il est utile pour explorer davantage l'état des coronaires, comme chez les diabétiques)

 

3/ Violences

L'Ordre des médecins a écrit un vade-mecum pour accompagner les professionnels de santé dans les procédures de signalements de violences au sein d'un couple. Je ne reviendrais pas sur le fond de cette mesure, qui pourrait freiner certain.e.s patient.e.s à discuter avec leur médecin des violences subies par peur d'un tel signalement. Le vade-mecum présente une fiche de signalement et les conditions de ce signalement requérant 2 conditions:

- lorsque les violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat 

- la victime se trouve sous l'emprise de l’auteur des violences. 

Il y a ainsi 2 pages proposant des questions pour évaluer le danger immédiat et l'existante d'une emprise. Ce guide est plutôt clair et bien fait pour répondre à ces questions et comprendre la procédure.


4/ Pédiatrie

Un article de l'ERJ pose la question de la toux isolée nocturne chez la nuit chez l'enfant: est-ce de l'asthme? Cette étude longitudinale de 10 000 enfants âgés de 1 à 9 ans retrouve que 10% à 18% sont atteints, respectivement, alors que la prévalence du wheezing passait de 35% à 1 an pour atteindre 13% à 9 ans. Les seuls facteurs associés préférentiellement aux wheezing et à l'asthme plutôt qu'à une toux simple étaient le sexe masculin et surtout antécédent familial d'asthme. Le fait de tousser la nuit n'était pas associé à une augmentation du risque de wheezing ultérieur. Les auteurs discutent le fait que les wheezing avant 1 an est plus souvent lié à une infection virale et à de l'asthme allergique après. Bref, une toux nocturne isolée n'est pas très inquiétante, notamment en l'absence d’antécédent familial d'asthme.


5/ Obésité

Une étude du NEJM a mesuré l'évolution de l'espérance de vie de patients obèses ayant eu une chirurgie bariatrique par rapport à des patients obèses non opérés et à des patients non obèses. Les patients ont été suivis pendant une vingtaine d'année environ, et les patients opérés avaient une espérance de vie plus longue de 3 ans que les patients non opérés, mais de 5 ans et demi plus courte que les patients non obèses. Ça parait peu, mais pour les statines, un traitement en prévention secondaire fait gagner 1 mois (et elles font partie des meilleurs traitements médicamenteux que l'on ait)

 

6/ Douleur

Un article du BMJ parle de reconnaitre les troubles neurologiques fonctionnels. Ce sont des symptômes sensitif ou moteurs réels (une paralysie, des tremblements, une dystonie, des troubles sensoriels, convulsions...) cliniquement incompatibles avec un mécanisme physiopathologique neurologique. Les auteurs insistent sur le fait qu'il s'agit d'un "vrai" diagnostic reposant sur la clinique, avec des symptômes réels, non feints, et ce n'est pas non plus un diagnostic d'élimination. Le contexte émotionnel a une place importante, avec une association forte entre ces troubles et les évènements de vie difficiles. A l'interrogatoire, il faut donc recherche les symptômes, leur mode de déclenchement, et l'histoire quotidienne pour mettre en évidence la gêne fonctionnelle quotidienne et les symptômes anxio-dépressifs associés. Le bilan peut nécessiter une imagerie, un dosage de TSH et de vitamine B12 (entre autres), ainsi que le recours à un avis neurologique. La prise en charge, pluroprofessionnelle, repose essentiellement sur une prise en charge psychologique et de la rééducation adaptée. Il est important d'expliquer la pathologie aux patients atteints, notamment à l'aide d'exemples (les auteurs proposent d'expliquer que c'est une réelle maladie, "[les examens vérifient le matériel, mais là votre maladie], c'est un problème de logiciel, et non de matériel [et on va le prendre en charge, les techniques vont permette de rebooter le logiciel]".)


7/ Addictologie

Cette semaine, on parle (encore) d'alcool avec cet article du BJGP qui a exploré les perceptions de la consommation d'alcool des sujets âgés (> 65 ans) en interrogeant en focus group les intéressés et des professionnels de santé. Pour mémoire, on avait déjà parlé des effets de l'intervention brève chez les sujets consommateurs à risque ici. Comme pour les plus jeunes, les personnes interrogées n'avaient pas forcément conscience d'avoir une consommation excessive selon les recommandations actuelles, avec souvent une image d'une consommation excessive en présence de symptômes. Les participants étaient demandeurs de conseils de la part des professionnels de santé, et notamment de leurs MG, afin d'avoir une information personnalisée. Ils pouvaient être motivés à réduire leur consommation par une maladie, une moindre tolérance à l'alcool ou encore un souhait maintenir leur qualité de vie et leur longévite. Les bilans (questionnaires/prise de sang) étaient proposés par les professionnels de santé comme outil, mais ils pouvaient également renforcer certaines consommations (Si les résultats sont bons, pourquoi changer?). Enfin, l'alcool restait parfois le dernier plaisir de personnes âgées proches de la mort. Finalement, cet article apporte peu de vraies nouveautés, si ce n'est un renforcement de l'information adaptée à chacun.e et la relation privilégiée entre un patient et son équipe soignante. On peut regretter l'absence d'analyse en profondeur, sans doute liée à la méthodologie avec la réalisation de seulement 2 focus group sur 7 incluant les personnes âgées...


8/ Le jeu du mois: "Détective"

"Détective", c'est l'as d'or 2019! Un jeu d'enquête qui se déroule à l'époque moderne dans lequel nous incarnons un groupe de détectives/inspecteurs de police pour résoudre une série d'enquêtes indépendantes, mais un fil rouge les relie toutes. C'est un jeu que l'on ne peut donc faire qu'une fois puisqu'après on connait les résultats des enquêtes. Le jeu se déroule en tirant des cartes numérotées, quand on veut explorer une piste, on tire la carte de ladite piste, et chaque action prend un certain nombre d'heure qui sont déduite progressivement alors que l'enquête doit être résolue dans un temps limité. La grande nouveauté du jeu, c'est que nous avons accès à la base "Antares" qui est en gros l'ensemble des fichier type FBI disponible réellement sur internet en créant un compte gratuitement quand on a acheté le jeu. Ainsi, on peut rentrer des codes d'empreintes digitales, pour voir si elles concordent avec des suspects connus, avoir accès a l'ensemble des données bibliographiques des suspects comme elles seraient contenues dans des bases de données "réelles". Ça transcende vraiment le jeu et ajoute un coté immersif impressionnant! C'est un jeu abordable, très sympa et bien qu'il soit classé en jeux "expert" c'est plutôt un jeu intermédiaire voire familial, mais en effet, résoudre une enquête va prendre plusieurs heures!


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A la semaine prochaine

 @Dr_Agibus et @DrePetronille