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Blog médical et geek de médecine générale :
« Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours. » (Louis Pasteur)

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dimanche 28 avril 2019

Dragi Webdo n°225: Lyme (US), diabète (US), QT long, antibiothérapie prolongée, coliques de nourrisson, gale

Bonjour! Il y avait beaucoup trop d'articles intéressants cette semaine; la sélection a été dure... Tout d'abord, comment ne pas parler de l'étude d'opinion européenne sur la vaccination, avec l'infographie ci dessous. Vous ne serez pas étonnés, que la France baisse la moyenne européenne sur tous les points, et est notamment dans les derniers quand il s'agit de penser "qu'il a des risque d'infections sévères à ne pas être vacciner" et "qu'il est utile d'être vacciné régulièrement".

1/ Pharmacovigilance

Commençons par les rappels de l'ANSM sur la toxicité des antiépileptiques durant la grossesse, les données rassurantes n'étant claire que pour la lamotrigine, le lévétiracétam et l'oxcarbazépine.



2/ Cardiovasculaire

On va parler du syndrome de QT long acquis grâce à un article canadien. Pour un dépistage, l'interrogatoire portant sur les antécédents cardiologiques personnels et les éventuelles palpitations ressenties doit être mené. En cas de médicament allongeant le QT, il est nécessaire de faire un ECG avant l'initiation puis après 5 demi-vies. Il faudra arrêter le traitement si le QTc est > à 450ms pour les hommes, 460 pour les femmes, ou que l'augmentation du QTc entre les 2 ECG est supérieure à 60mg.

Continuons avec article sur la metformine, cette fois si chez des patients non diabétiques. Cette étude  contrôlée randomisée chez 68 patients avec coronaropathie et insulino-résistance ou pré-diabète (mais sans diabète) montre une réduction de l'hypertrophie ventriculaire gauche (critère intermédiaire pour évaluer le risque de récidive de syndrome coronaire) significative chez les patients traités par metformine. Il n'y avait pas de différence entre les groupes sur l'HbA1C en fin de traitement. 


3/ Infectiologie

Les américains ont publié de recommandations sur la maladie de Lyme. En quelques lignes rapides: les traitements des maladies de Lyme au phases primaires, secondaires et tertiaires sont semblables à ce qui se fait en France. Concernant les "syndromes de Lyme chronique" qui sont les symptômes persistants après un traitement, il est dit qu'aucun traitement antibiotique ne les améliore. Sur la question du traitement "préventif en cas de piqure", les recommandations sont claire: un traitement prophylactique est possible par doxycycline dose unique de 200mg (et pas par autre chose) si et seulement si:
- la tique est restée attachée plus de 36 heures
- et que la prophylaxie peut être faite dans les 72 heures après le retrait de la tique
- et que la doxycycline peut être utilisée (donc pas avant 8 ans, et chez les enfant de plus de 8 ans, c'est par extrapolation des données de l'adulte car il n'y a pas d'étude)
- et que le taux d'infestation des tiques par B.  Burgdorferi est > 20 % (après recherches, en France, seuls 2 départements sont donc éligibles pour la prophylaxie: l'Alsace et le Limousin qui sont à 20%).
L'alternative de surveiller et de traiter en cas d'érythème migrans est une possibilité équivalente.

Puisqu'on est sur les traitements antibiotiques, parlons de l'effet des antibiotiques sur le risque cardiovasculaire. Ainsi, cette étude retrouve une augmentation du risque relatif d'évènements cardiovasculaires de 40% chez les femmes de moins de 60 ans ayant eu plus de 2 mois cumulés d'antibiotiques après l'âge de 20 ans! Le NNH annuel est de 340 femme traitée plus de 2 mois entre 20 et 60 ans pour être responsable d'un évènement cardiovasculaire (le risque est donc pas si élevé que ça, mais quand même!)


4/ Dermatologie

Des recommandations sur le psoriasis ont été publiées. Je me suis dis: "cool! je vais savoir la différence entre les dermo-corticoïdes, quand mettre des analogues de vitamine D, quand référer au dermato etc...". Vu cette introduction vous avez compris que ces recos ne répondent à rien de cela puisque ce sont des recos uniquement sur le traitement systémique. Je passe sur les 2 lignes (voire moins...) sur le retentissement psychologique de la pathologie et sa prise en charge.  Bref, elles sont totalement inutiles pour nous (et c'est parfaitement regrettable), mais également pour la majorité des patients atteints...

Une revue du JAMA dermatology compare l'ivermectine à la permethrine dans le traitement de la gale. Les auteurs ne retrouvent pas de différence à 2 semaines du début du traitement. Cependant, l'ivermectine serait peut être un peu moins efficace après 1 semaine, cela semble quand même justifier le re-traitement systématique à J7.


5/ Pédiatrie

Dans les coliques du nourrisson, les probiotiques ont été passés en revue dans une revue de la Cochrane. Les auteurs retrouvent qu'il n'y a pas de différence notable entre les probiotiques et les placebo, mis à part un temps de pleurs un peu plus court de 30 à 45 minutes par jour, sans augmentation des effets indésirables.


6/ Diabétologie

Une grosse partie diabétologie que je vais résumer. En effet, une dizaine d'articles constituant les recommandations américaines sur la prise en charge du diabète, ont publiés dans Diabetes Care. On y retrouve le diagnostic par  une GAJ > 1,26g/L ou par une HbA1C > 6,5%, les objectifs glycémiques classiques de 7% pour tous , ou 8% si prévention cardiovasculaire secondaire, microangiopathie ou espérance de vie limitée, la place de la metformine en 1ère intention suivie des analogues du GLP-1 (cf ici) et les actions de prévention cardiovasculaire (cible HTA < 130/80, cible LDL < 0,7 en prévention secondaire, et aspirine en prévention secondaire mais pas en primaire sauf très haut risque après discussion individualisée avec le patient. Un autre point intéressant est qu'ils disent que la prise en charge nutritionnelle est remboursée par les assurances et la sécurité sociale. Il faudrait que ce soit le cas chez nous aussi!


Et hop, un billet publié dans les temps! Encore merci beaucoup pour votre fidélité. Pensez à vous abonner sur Facebook, Twitter ou à la newsletter par mail en entrant votre e-mail tout en haut à droite sur la page (sans oublier de valider le captcha et de confirmer l'inscription dans le mail qui vous sera envoyé!)

A la semaine prochaine!

@Dr_Agibus

lundi 22 avril 2019

Dragi Webdo n°224: AINS, prothèses et implants, examen clinique des seins, sinusite , plomb, semaglutide

Bonsoir à tous! Désolé d'avoir déphasé certains avec un billet de milieu de semaine, mais seuls les Dragi Webdo ont un jour fixe de parution! Et il faut croire que c'est une conspiration, mais malgré une publication à l'heure prévue (soit minuit passé), la plupart d'entre vous ne liront pas ce billet en allant au travail demain, puisque c'est férié! Alors profitez bien du week-end prolongé et bonne lecture de ce billet qui ne sera pas très long!

1/ Pharmaco-vigilance

Suite à l'affaire des #Implantfiles, qui peut se résumer par une mauvaise voir une absence d'évaluation de certains dispositifs médicaux, la FDA (version américaine de l'ANSM) a demandé l'arrêt de la commercialisation de toutes les prothèses utilisées dans la réparation de prolapsus pelviens, le temps que des évaluations soient effectuées pour garantir la sécurité des patientes.

Un article du JAMA parle de l'utilisation de l'e-cigarette pendant la grossesse et retrouve trop de femme l'utilisant à ce moment là de leur vie (7%) car la nicotine peut être toxique pour le foetus en altérant le développement pulmonaire et cérébral. Ce n'est cependant pas mis en balance avec les risques du tabagisme... dommage.

L'ANSM revient sur les risques infectieux des AINS, notamment de l'ibuprofène et du ketoprofène suite à des déclarations aux centres de pharmacovigilance. Ce n'est pas nouveau, et tous les AINS devraient être concernés. Cependant la diffusion de message aura certainement un effet positif sur l'automédication mais peut être un effet négatif dans certaines circonstances (par exemple, une frayeur d'une patiente qui est venue me voir en garde parce qu'elle avait du ketoprofène pour sa SPA...)


2/ Gynécologie

Parlons de l'examen clinique des seins, qui, pour mémoire, n'est plus recommandé dans le suivi des femmes pour dépistage du cancer  aux Etats Unis ni au Canada. Cette étude (qui est vachement bien, n'est ce pas? #CeuxQuiSachent) qui a inclus plus de 3000 patientes consultant en cabinet de radiologie, s'est intéressée au risque de mammographie à haut risque (ACR 3 ou 4) et à la performance de l'examen clinique des seins. Ainsi, la sensibilité de l'examen clinique des seins anormal (quelque soit l'anomalie: nodule, douleur, écoulement, adénopathie...) était de 36% et la sensibilité de 78%, ce qui est assez médiocre. Cependant, l'écoulement mammaire, la rétraction mamelonnaire et les adénopathies avaient des valeurs prédictive positives supérieures à 5. La douleur, quand à elle n'était absolument pas un facteur "rassurant". L'ensemble de ces résultats était similaire quelque soit la tranche d'âge étudiée (avant 40 ans, entre 40 et 50 ans, entre 50 et 74 ans, et au delà de 75 ans). Bref, on arrête quand de recommander l'examen de seins systématique nous aussi?

Concernant la grossesse, l'USPSTF (équivalent de la HAS américaine), ne recommande pas d'évaluer l'exposition au plomb par dosage du plomb chez les femmes durant la grossesse (ni chez les enfants d'ailleurs. Pour mémoire, en France, le risque de saturnisme se dépiste avec la grille dont j'avais parlé ici).


3/ ORL

Du coté d'Annals of family medicine, les signes de sinusite sont étudiés. Les auteurs retrouvent que la rhinorrhée purulente du méat moyen et l'impression globale sont les signes les plus en faveur d'une sinusite (tout en restant modérés car les rapports de vraisemblance positifs sont de 3). Les signes négatifs ne sont pas géniaux... Je découvre quand même la transillumination des sinus maxillaires et frontaux (LR- : 0,5), ça peut être intéressant à tester! Mais une fois la sinusite évoquée, les signes en faveur d'une infection bactérienne sont principalement l’existence d'une cacosmie et la douleur dentaire. La durée d'évolution, critère clinique fréquemment utilisé dans les recos, n'est pas étudiée ici, et la fièvre n'est pas un bon signe non plus.


4/ Diabétologie

On essaye toujours de trouver une utilité aux applications mobiles. Cette fois ci, dans la gestion du diabète par les patients, une étude a passé en revue près de 400 applications. Beaucoup ne donnaient pas de rappel pour effectuer les glycémies, ne donnaient pas les objectifs glycémiques et ne permettaient pas de faire un suivi d'HbA1C. A peine plus de la moitié des applis signalaient les hypoglycémies (par des messages ou changement de couleur) et 10% donnaient des conseils d'éducation au diabète. Bref, ce n'est pas encore que la m-médecine changera le monde.

Pour finir, passons à une étude comparant le semaglutide oral (le 1er analogue du GLP-1 oral, pour mémoire, il avait montré une efficacité cardiovasculaire en injectable versus placebo, cf ici) à la sitagliptine, dans un essai contrôlé randomisé chez les patients diabétiques de type 2 non contrôlés par la metformine seule ou associée à un sulfamide. Je passe vite sur le fait que sur l'objectif qu'était l'HbA1c, le semaglutide était plus efficace que la sitagliptine, pour regarder les tableaux de tolérance. Il y avait légèrement plus de patients avec au moins 1 effet indésirable dans le groupe sitagliptine, et les effets indésirables étaient un peu plus graves dans le groupe sitagliptine, mais il y avait plus d'arrêt indésirables pour non-tolérance dans le groupe semaglutide. Il y avait moins d'hypoglycémies avec le semaglutide, moins de rétinopathies diabétiques également, mais plus de nausées, vomissements, diarrhées et céphalées. Attendons donc les résultats cardiovasculaires de cette forme orale!

Bon lundi de Pâques à tou·te·s, et à la semaine prochaine!

@Dr_Agibus

mercredi 17 avril 2019

La dépression sans pression !


Bonjour, voilà un moment que j'ai besoin de repères, au milieu de tous les articles sur la dépression contenus dans les Dragi Webdo, pour prendre en charge les nombreux patients atteintes de syndrome dépressifs majeurs au cabinet. Il y avait longtemps que je n'avais pas fait de billet thématisé sur une pathologie. C'est donc le tour des syndromes dépressifs! (Oui, il faudrait aussi que j'en fasse un sur les dyslipidémies...)


1/ dépistage

Tout d’abord, parlons de dépistage. La dépression est une pathologie fréquente atteignant près de 10% de la population générale [1]. Ce n’est pas qu’une pathologie, c’est une comorbidité, associée aux douleurs chroniques, à la BPCO, aux maladies cardiovasculaires...[2–4] Et inversement, chacune de ces pathologies devrait faire rechercher une dépression associée. Il s'agit d'un dépistage ciblé et non en population générale et nous allons voir quand et comment dépister la dépression à différents moments.

Le plus simple pour du dépistage (notamment chez les patients avec co-morbidités ou symptômes potentiellement évocateurs n'appartenant pas à une autre catégorie décrite après) est certainement le 2-questions screen [5] , avec une sensibilité de 92% et une spécificité de 78% en le comparant aux autres échelles :
- Vous sentez vous déprimé?
- Avez-vous une perte d'intérêt pour les choses qui vous plaisaient avant?

Le PHQ-9 est également possible et utilisable, mais est un peu plus long. Il est utilisable pour du dépistage en médecine générale avec une sensibilité de 73% et une spécificité de 98%.

Chez l’adolescent, la HAS a publié un guide de prise en charge de la dépression. Le plus important étant de repérer les signes lors de l’entretien car il est difficile de faire parler un ado sur le sujet[6]. La HAS recommande un dépistage par l’ADRS qui est un peu long à mon avis et par le TSTS-CAFARD qui est dépassé. Il est donc préférable de se référer au BITS qui est l’actualisation du TSTS-CAFARD :



On continue dans l’ordre chronologique des dépistages, et les sociétés savantes américaines sont en faveur d'un dépistage et d'une prise en charge précoce de la dépression du post-partum, en adressant pour des thérapies comportementales et thérapies interpersonnelles, les patients avec facteurs de risque: antécédent dépression ou symptômes dépressifs actuels et facteurs économiques et sociaux (faibles revenus, âge jeune, mono-parentalité etc...)[7].

Chez la personne âgée, le dépistage de la dépression en médecine générale passe surtout par le GDS ou le mini-GDS [8], une réponse positive aux questions 1, 2 ou 4, ou négative à la question 3 doit faire rechercher de façon plus précise une dépression: 
- Vous sentez-vous souvent découragé(e) et triste ?
- Avez-vous le sentiment que votre vie est vide ?
- Êtes-vous heureux (se) (bien) la plupart du temps ?
- Avez-vous l'impression que votre situation est désespérée ?


2/ Diagnostic

Concernant le diagnostic, les recommandations de la HAS de 2017 sont cohérentes aux données internationales[1,9,10]. Ainsi, le diagnostic d’épisode dépressif caractérisé (anciennement épisode dépressif « majeur » alors que le « majeur » ne correspondait pas à une caractéristique de sévérité) ne dépend pas d’échelles, mais repose sur la présence d’au moins 2 symptômes principaux et d’au moins 2 symptômes associés depuis au moins 2 semaines:



La sévérité du trouble est ensuite évaluée selon le nombre de symptômes principaux et associés. C’est l’évaluation de la sévérité qui permettra de déterminer la prise en charge :



Cependant, la cotation ALQP003 (permettant de coter une consultation annuelle d’évaluation de troubles dépressif à 69,12€), est conditionnée par la réalisation d’un test (MADRS, Hamilton, Beck, MMPI, STAI) bien que l'impression clinique du médecin soit aussi bonne que l'utilisation d'un de ces tests (et là, je ne trouve plus la ref, alors si quequ'un l'avait, je mettrai le billet à jour!).

- Un des plus couramment utilisé est donc le questionnaire de Hamilton. Il comporte 21 items, et un épisode caractérisé sévère est défini par un score ≥ 24 (ou >26 selon les études). Mais il est peu adapté en médecine de ville.
- L’alternative principale est le questionnaire de Beck (BDI-II) comportant 21 items pour lequel un épisode dépressif caractérisé sévère correspond à un score > 29.

Il faut ensuite évaluer le risque suicidaire [9,11]. L’urgence étant dans le risque suicidaire élevé :  la planification est claire, le passage à l’acte est prévu pour les jours qui viennent, il est coupé de ses émotions (rationalise  sa décision ou est très émotif, agité, troublé), il se sent complètement immobilisé par la dépression ou dans un état de grande agitation, il a une douleur et une expression de la souffrance omniprésentes ou complètement tues, il a un accès direct et immédiat à un moyen de se suicider, il a le sentiment d’avoir tout fait et tout essayé, et il est très isolé.
Un questionnaire (Columbia Suicide Severity Rating Scale) peut permettre de l’évaluer en quelques questions (version française par moi) :
- Dans les dernières semaines, avez-vous souhaité être mort ?
- Dans les dernières semaines, avez-vous ressenti que, vous ou votre famille, seriez mieux si vous étiez mort ?
- Dans les dernières semaines, avez-vous pensé à vous suicider ?
- Avez-vous déjà essayé de vous suicider ? Si oui, quand  et comment ?
- En ce moment, pensez-vous à vous suicider ? Si oui, pouvez-vous décrire ces pensées ?

Enfin, recherche une cause somatique (hypothyroïdie, maladie neuro-dégénérative, abus de substances, iatrogénie)  ou un diagnostic différentiel comme le trouble bipolaire à évoquer notamment devant tout trouble dépressif, notamment entre 15 et 25 ans, ou multiples, ou avec antécédents familiaux de bipolarité, ou avec symptômes hypomaniaques, ou en cas de réponse atypique aux antidépresseurs.[9,12](On peut utiliser le Mood Disorder Questionnaire ou le test d'hypomanie d'Angst pour ça, mais je m'égarre.)


3/ Prise en charge

La prise en charge sera souvent pluridisciplinaire. Elle commencera idéalement (et selon les moyens du patient) par une prise en charge par psychothérapie. En effet, les sociétés savantes américaines les recommandent en première intention dans les épisodes dépressifs caractérisés au même titre que le traitement médicamenteux (c’est donc soit psychothérapie soit antidépresseur) [13].

D’après les recommandations HAS, pour les épisodes dépressifs caractérisés légers à modérés, la prise en charge peut être faite par le généraliste (avec une psychothérapie de généraliste), le traitement antidépresseur pouvant être discuté en 1ère intention pour les épisodes modérés, avec une réévaluation à 4-8 semaines (j'ai rarement vu une dépression guérir en 4 semaines...). Pour les épisodes sévères, l'avis du psychiatre est recommandé de façon systématique après mise en place du traitement pharmacologique par le généraliste (ce qui n’est pas vraiment réalisable vu les délais de consultation…). Quelque soit la sévérité, une psychothérapie est fortement recommandée et en cas d'épisode sévère, le traitement médicamenteux doit être poursuivi pendant au moins 6 mois, voire 1 an et pendant au moins 2 ans en cas de récidive.

Les thérapies cognitivo-comportementales sont les principales psychothérapies recommandées par la plupart des organismes de recommandations internationaux [14]. Il apparait important de poursuivre la psychothérapie jusqu’à l’arrêt des antidépresseurs, les thérapies cognitive-comportementales étant particulièrement efficaces au moment de la décroissance médicamenteuse, j’en avais parlé ici[15].

Il ne faut surtout pas négliger les autres mesures non médicamenteuses [14]. L’activité physique est recommandée et même fortement encouragée depuis que les patients peuvent bénéficier de sport sur ordonnance [16]. De plus, 1 heure de sport par jour aurait également un effet préventif sur les symptômes dépressifs [17]. 


4/ Les antidépresseurs

La partie la plus difficile va certainement concerner les traitements : quelle est la différence d’efficacité ? Quels sont les effets indésirables ? Lesquels prescrire en premier et en cas d’échec ? 

Pour commencer, parlons phytothérapie. Le millepertuis est une plante avec de nombreuses interactions médicamenteuses mais qui a un effet antidépresseur plus souvent utilisé dans les pays germaniques qu’en France. Le millepertuis a montré une efficacité au moins égale à la paroxétine dans le traitement de la dépression et semble pouvoir être une option chez les patients n’ayant pas de comorbidité (à cause des interactions avec les autres traitements éventuels)[18]. Les effets indésirables sont surtout marqués par de potentiels troubles digestifs et par des éruptions cutanées post-exposition au soleil chez les patients à peau claire.

Si on passe aux traitements plus classiques, d’après la HAS, « il n'y a pas de différence d'efficacité entre les classes, privilégier inhibiteurs de recapture de la sérotonine (IRS) et inhibiteurs de recapture de sérotonine et de noradrénaline (IRSNa) en 1ère intention, et les tricycliques en 2ème intention ». Ce qui ne nous aide pas vraiment à choisir une molécule. Référons nous donc à la méta-analyse en réseau de Cipriani publiée dans le Lancet en 2018 [19]. C'est une mise à jour de la méta-anlyse du même auteur datant de 2008 et qui privilégiait la sertraline et l'escitalopram.  Ainsi, les auteurs retrouvent que l'amitriptyline est l'antidépresseur le plus efficace, les autres étant tous quasiment équivalents et plus efficaces que le placebo. Si on fait un peu attention, la seule différence significative entre les molécules concernerait une supériorité de l'amitriptyline par rapport à la fluoxétine. Sur le plan de la tolérance, l'agomélatine et la fluoxétine semblent à privilégier (sur la base des arrêts de traitement et non de la gravité des effets secondaires) et la clomipranine est la moins bien supportée. Ainsi, la fluoxétine semble être un bon premier choix de traitement, efficace et mieux supportée, avant d'aller essayer d'autres IRS/IRSNa ou de passer à l'amitriptyline qui semble être plus efficace. 


Dans les articles du BMJ et du NEJM de 2019 sur la dépression en soins primaire[11,14], on voit sur leur tableau récapitulatifs que le citalopram et escitalopram ont plus à risque cardiaque et dangereux en cas de surdose, la fluoxétine semble un meilleur choix (comme j’ai dit juste au dessus). En cas d’échec, la question se pose donc de passer à un IRSNa (venlfaxine ou duloxétine) ou à un tricyclique. Le tableau retrouve une meilleure tolérance de la duloxétine par rapport à la venlafaxine qu'il faudrait donc privilégier dans les IRSNa. La mirtazapine a un profil intéressant avec une bonne efficacité mais des effets indésirables de type prise de poids et surtout somnolence très importants. Concernant les tricycliques, l'amitriptyline est moins bien tolérée que la clomipramine d'après le tableau (contrairement à l’étude précédente), mais l'amitriptyline reste le plus efficace, et serait donc à préférer.  L'agomélatine, qui semblait bien tolérée dans la méta-analyse n'est pas disponible aux Etats Unis (c'est déjà étrange...) n'est pas recommandée en soins primaires par la plupart des organismes de recommandations internationaux.


Si nous nous tournions maintenant vers ce que dit la revue Prescrire (je ne mets pas de refs détaillées parce que c'est galère d'ajouter à la main les refs prescrire étant donné qu'elles ne peuvent être enregistrées automatiquement dans Zotero).
Concernant le millepertuis, la revue prescrire n'en parle comme antidépresseur qu'en 2007, soit avant les études ayant retrouvé une efficacité clinique. Leur conclusion est donc que l'effet n'est pas démontré.
Concernant les IRS, Prescrire propose des traitements de première intention par fluoxétine et paroxétine ou même la sertraline qui n'apporte rien de nouveau, mais récuse le citalopram et escitalopram à cause des risques cardiaques qui sont classés dans "les médicaments à écarter".
La mirtazapine est considérer comme proche de la miansérine et n'apporte rien de nouveau par rapport à l'amitriptyline.
Concernant les IRSNa, ils sont tous considérés comme médicament à écarter, avec une mention spéciale pour le milnacipran et la venlafaxine qui augmentent le risque de mortalité en cas de surdose. Ce sont donc clairement des traitements à réserver si les autres ne sont pas supportés du tout...
Enfin, les tricycliques sont peu étudiés dans prescrire qui les prend souvent comme molécule de référence pour dire qu'il n'y a pas d'amélioration pour les autres traitements. Cependant, les effets indésirables sont nombreux et semblent être acceptables pour une molécule qui n'est pas utilisée en première intention.
Enfin, l'agomélatine est également "à éviter" d'après Prescrire qui demande son retrait du marché, devant des effets indésirables disproportionnés par rapports aux autres antidépresseurs (notamment des hépatites fréquentes) et un risque suicidaire majoré.


5/ Les échecs de traitement et dépression résistante

En cas d’échec de traitement, qui se réévalue à 4-8 semaines selon la HAS et plutôt 3 semaines initialement pour les britanniques, on peut avoir recours à des switch d’antidépresseurs. Voici un tableau permettant de savoir quand baisser l’un et débuter l’autre. Je retiens surtout que la fluoxétine a une demi-vie de 5 jours et que le risque d’allongement de QT peut être favorisé lors du switch avec un autre antidépresseur allongeant le QT. Il me semble cependant dur de dire « on ne mets plus rien pendant 14 jours » à un patient qui s’aggrave… (cliquer sur l'image pour agrandir ou sinon @Mimiryudo m'a communiqué ce site en anglais)


La dépression résistante définie comme la résistance à 2 molécules de classes différentes nécessite un avis spécialisé [9,11]. Des auteurs ont publiés dans le BMJ [20], un essai contrôlé randomisé concernant les patients avec dépression résistante traitée par IRS ou IRSNA en soins primaires. Ces patients pouvaient recevoir soit de la mirtazapine soit un placebo en plus de leur antidépresseur habituel. Au total, les bithérapies n'ont pas été plus efficaces que les monothérapies, au prix d'un peu plus d'effets secondaires. 
[Edit  14/05/2022: Cette revue systématique c'est intéressé aux différentes associations d'antidépresseurs et il semblerait que l'association d'un inhibiteur de recapture de monoamine (c'est à dire un IRS, un IRSNA ou un tricyclique) associé à un antagoniste des récepteurs alpha2 (c'est à dire la miansérine et la mirtazapine) soit plus efficace qu'une monothérapie en augmentant le taux de rémission et de réponse sans augmentation des sorties d'études dues au traitement. Il y aurait également un effet sur l'amélioration des symptômes dans le sous groupe des non répondeurs à une monothérapie.] 
Il semble donc préférable d’en rester à des monothérapies, pour nous, généralistes.
En dernières alternatives, il y a la toute récente Kétamine et les stimulations magnétiques trans-craniennes ou les électro-convulsivothérapie dans l'indication de dépression résistante qui sont des options visiblement efficaces.

Je ne suis volontairement pas rentré dans le débat "est ce que les antidépresseurs sont réellement efficaces?" parce que un critère de jugement correspondant à une baisse de 2 points sur 100 (en gros, hein), ce n'est pas cliniquement pertinent, et je suis d'accord. Mais comme ce questionnement est assez commun à presque tous les antidépresseurs, je préfère accepter ce biais. De même, le biais de publication.


6/ Décision médicale partagée

Enfin, il est indispensable que le choix d’un traitement médicamenteux relève d’une décision partagée pour mettre en place un traitement personnalisé, adapté aux craintes et désirs du patient [21]. Cela augmente le confort et la satisfaction des patients mais également des médecins (et avoir un médecin satisfait, c’est mieux pour le moral, pour éviter le burn-out et améliore la relation médecin-patient pour les consultations suivantes). Personnellement, je laisse les patients gérer le moment de la prise : le matin si le médicament donne des cauchemars, le soir s’il fatigue trop quand il est pris le matin etc…. Et sinon voici l’outil d’aide à la décision de la Mayo Clinic


7/  La synthèse

Voici donc la synthèse de mes réflexions avec un algorithme maison (en privilégiant les molécules soulignées) suivi des posologies efficaces en général et maximales (ainsi que quelques spécificités)


Millepertuis : 300mg x 3 par jour
Fluoxétine : 20mg le matin ( 30mg en dose optimale, 80mg maximum)
Sertraline : 50mg le matin (75mg en dose optimale, 200mg maximum)
Mirtazapine : 15mg le soir (30mg en dose optimale, 45mg maximum)
Duloxétine : 60mg le matin (120mg maximum, débuter éventuellement à 30mg pendant 1 semaine)
Amitriptyline : 75mg le soir (150mg maximum, débuter à 10 gouttes/jour et augmenter de 5 gouttes tous les 3 jours pour minimiser les effets secondaires et arriver à 50mg après 3 semaines. Monter plus lentement si somnolence excessive)

Une autre option pourrait être de passer directement du "niveau 1" au "niveau 3", de la fluoxétine à l'amitriptyline, avec des doutes sur la tolérance et donc nécessitant une augmentation très progressive des doses. C'est ce que je faisais jusqu'à maintenant, mais devant des prescriptions non rares d'IRSNa par les spécialistes, j'ai souhaité m'y attarder un peu plus, pour avoir des commentaires sur les avis et pratiques de chacun.

Ces choix d'antidépresseurs sont issus de mon raisonnement, qui n'est pas universel. Certains médicaments "à écarter" pourraient être des options de 2ème ou 3ème ligne, à tenter après discussion avec les patients avant d'aller directement à l'électroconvulsothérapie (ici, la duloxétine pourrait être une option chez les personnes pour qui le poids est très important, vu que la mirtazapine et l'amitriptyline donnent fréquemment des prises de poids bien que leur balance bénéfice risque puisse être plus favorable).

Les différences d'antidépresseurs sont, comme on l'a vu essentiellement sur la tolérance, l'efficacité est surtout établie dans des épisodes dépressifs caractérisés sévères. Bref, si vous prenez un antidépresseur qui ne serait pas "le meilleur" ou qui serait "le pire niveau effets indésirables", mais que vous le supportez bien, continuez et reparlez en à votre médecin! D'ailleurs, selon moi, quand un patient à déjà eu un traitement efficace et bien toléré, il est préférable de repartir sur cette même molécule en cas de nouvelle dépression plutôt que de tenter une nouveauté qui risque d'être mal supportée.

Je suis bien sûr tout ouvert aux critiques et aux commentaires de prescririens (même si je pense avoir ma petite idée), de psychiatres, de patient•e•s, et des simples médecins comme moi sur ce billet !
A bientôt !

@Dr_Agibus

Bibliographie:


[1]       Ferenchick EK, Ramanuj P, Pincus HA. Depression in primary care: part 1—screening and diagnosis. BMJ 2019;365:l794. doi:10.1136/bmj.l794.
[2]       Divo M, Cote C, de Torres JP, Casanova C, Marin JM, Pinto-Plata V, et al. Comorbidities and risk of mortality in patients with chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 2012;186:155–61. doi:10.1164/rccm.201201-0034OC.
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[8]       Clément JP, Nassif RF, Léger JM, Marchan F. [Development and contribution to the validation of a brief French version of the Yesavage Geriatric Depression Scale]. L’Encephale 1997;23:91–9.
[9]       Haute Autorité de Santé - Épisode dépressif caractérisé de l’adulte : prise en charge en premier recours n.d. https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1739917/fr/episode-depressif-caracterise-de-l-adulte-prise-en-charge-en-premier-recours (accessed April 14, 2019).
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[11]     Park LT, Zarate CA. Depression in the Primary Care Setting. N Engl J Med 2019;380:559–68. doi:10.1056/NEJMcp1712493.
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[13]     Qaseem A, Barry MJ, Kansagara D, for the Clinical Guidelines Committee of the American College of Physicians. Nonpharmacologic Versus Pharmacologic Treatment of Adult Patients With Major Depressive Disorder: A Clinical Practice Guideline From the American College of Physicians. Ann Intern Med 2016;164:350. doi:10.7326/M15-2570.
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[22]     VIDAL : Base de données médicamenteuse pour les prescipteurs libéraux. VIDAL n.d. https://www.vidal.fr/ (accessed April 15, 2019).

dimanche 14 avril 2019

Dragi Webdo n°223 : levothyrox, andexanet, dépression, paracetamol, kinésithérapeutes, Crohn, SAOS

Bonjour à tous, voici les actualités de la semaine! Mais d'abord, parlons un peu de consommation de soins et d'une étude rétrospective parlant de téléconsultation. Les enfants de 0 à 17 ans consultant pour des infections respiratoires avaient plus souvent des antibiotiques lors de téléconsultations que lorsqu'ils étaient vus par des médecins en ville. De plus, les antibiotiques prescrits lors de téléconsultation étaient moins souvent conformes aux recommandations. Voilà, vous en faites ce que vous voulez, bonne lecture pour la suite!


1/ Pharmacovigilance

Pour commencer l'ANSM, revient une fois de plus sur les non-indications des fluoroquinolones, dans les infections où d'autres antibiotiques peuvent être utilisés. Ils insistent également sur le fait de ne pas associer fluoroquinolones et corticoïdes. Enfin, la dernière quinolone (et non fluoroquinolone), la fluméquine, sera prochainement retirée du marché pour balance bénéfice risque défavorable.

Une analyse du registre de pharmaco-vigilance américain s'est intéressée aux effets indésirables du vaccin anti HPV sur 10 ans. Les effets les plus fréquemment déclarés concernaient le Gardasil et étaient notamment des malaises et syncopes. 12% des effets déclarés serait sévères, ce qui correspondrait à 2 effets indésirables sévères pour 100 000 doses. De façon intéressante, les déclarations d'effet indésirables étaient superposables aux recherches sur Google.

Un point Levothyrox*, avec une étude estimant que, bien que la bio-évquivalence entre l'ancien et le nouveau médicament ait été retrouvée dans les études sur des "moyennes d'individus", il y aurait une variance inter-individu importante et 50% des patients volontaires sains utilisés pour les tests auraient été en dehors de l'intervalle d'équivalence.(voici le schéma explicatif, en pointillé rouge les bornes de +/- 20% correspondant à l'intervalle d'équivalence)

Ça faisait un moment que je n'avais pas parlé de l'Andexanet, l'antidote de l'apixaban et du rivaroxaban. Dans cette étude du NEJM, 350 patients ont été évalués et l'efficacité de l'antidote était aussi bonne vis à vis de chacun de ces 2 AOD, avec une réponse chez 82% des patients à 12h. 14% des patients sont néanmoins décédés à 30 jours (je ne sais pas à combien on est pour des AVK). Notons le financement pharmaceutique de l'étude, mais qui ne semble pas avoir interféré dans les analyses et la rédaction du manuscrit.


2/ Psychiatrie

Le BMJ a publié 2 articles sur la dépression, et je détaillerai un peu plus le second sur la prise en charge. D'abord, il y a un abstract interactif, sur lequel on peut sélectionner un traitement pour voir par quelles sociétés savantes il est recommandé, dans quelles circonstances et quels sont les effets indésirables. Les IRS sont recommandés en première intention, notamment le citalopram, on voit sur leur tableau récapitulatifs que le citalopram et escitalopram ont plus à risque cardiaque et dangereux en cas de surdose, la fluoxétine semble un meilleur choix (comme j'en avais parlé ici). En cas de résistance, la question se pose de passer à un IRSNA (venlfaxine ou duloxétine) ou à un tricyclique. Le tableau retrouve une meilleure tolérance de la duloxétine par rapport à la venlafaxine (et une efficacité un poil possiblement supérieure de la duloxétine) qu'il faudrait donc privilégier dans les IRSNA. La mirtazapine a un profil intéressant avec une bonne efficacité.. Concernant les tricycliques, l'amytriptyline est moins bien tolérée que la clomipramine d'après le tableau, mais l'amitriptyline reste le plus efficace, et serait donc a considérer en dernière intention.  Enfin, la dépression résistante définie comme la résistance à 2 molécules de classes différentes nécessite un avis spécialisé (Je passe les parties sur les psychothérapies et modification de mode de vie qui sont indispensables et efficaces).



3/ Rhumatologie

Les MG sont ils indispensables ? Un article du BJGP a évalué la prise en charge des troubles musculosquelettiques par des kinésithérapeutes. Cette étude observationnelle a retrouvé que les prises en charge des kinésithérapeutes étaient cohérentes et adaptées et pourraient permettre de diminuer le recours aux médecins.

Une revue Cochrane a retrouvé, que l'efficacité du paracétamol dans l'arthrose était mineur avec un écart de 3 points sur 100 sur la douleur, et d'autant sur un score fonctionnel en faveur du paracetamol versus placebo. Le NNH d'avoir un effet indésirable grave était de 100, et de 20 pour une anomalie du bilan hépatique. Le problème de ces évaluations, c'est qu'on a une évaluation à 12 semaines, et peut être pas dans les 2h suivant la prise du traitement, délai où la douleur pourrait être mieux soulagée chaque jour. Une utilisation ponctuelle raisonnable semble cependant plus adaptée qu'une prise continue pendant 12 semaines à dose maximale.


4/ Gastro-entérologie

Des recos concernant la maladie de Crohn ont été publiées dans le JAMA. C'est très spécialisé, sauf la place de la calprotectine fécale dans le diagnostic pour s'orienter vers une MICI au lieu de trouble fonctionnels intestinaux. J'en avais déjà parlé ici et . Malheureusement, ce n'est toujours pas recommandé ni remboursé en France malgré toute les recos internationales.


5/ Pneumologie

Après le débat d'il y a quelques semaines sur les apnées du sommeil, le NEJM revient une fois de plus sur le SAOS. Pour reprendre les bénéfices trouvés au traitement, les auteurs expliquent que la prise en charge du SAOS sévère permet de baisser la tension artérielle et de diminuer la somnolence et les symptômes. Cependant, les évènements cardiovasculaires ne sont pas modifiés, peut être à cause d'une observance moyenne de la CPAP. Mais si l'observance est moyenne dans un essai, elle risque de ne pas être meilleure en conditions réelles. En cas de très mauvaise tolérance, les prothèses d'avancée mandibulaire sont une option même chez les patients sévères. Chez les patients asymptomatiques, le traitement n'a pas fait preuve d'efficacité, puisque les patients n'ont pas de somnolence. 

C'est fini! Merci pour votre fidélité, et bonne soirée (parce qu'il y a Game of Thrones toute à l'heure à 3h du matin...) A la semaine prochaine!

@Dr_Agibus